ARCA trônait dans ma bibliothèque depuis mon dernier anniversaire (quelques mois, donc). J’avais écouté un podcast dans lequel son auteur en faisait la promotion, et je dois admettre que j’avais été très intrigué. Les diverses critiques que j’avais pu parcourir sur le sujet étaient également globalement très bonnes.
Aussi, j’attendais beaucoup de cet album… Du coup, qu’en ai-je pensé ?
Synopsis
La Terre a épuisé ses ressources. En animation suspendue, plusieurs milliers de personnes quittent la planète mère dans d’immense vaisseaux, à destination de la Griffe du Lion, dans l’espoir d’y rebâtir la civilisation humaine. Eric est commandant en second de l’ARCA III, qui abrite également sa femme Joanna, tandis que sa sœur est commandante de l’ARCA I. Joanna, quant à elle, est spécialiste des « jardiniers », de minuscule robots en charge de la gestion des jardins des vaisseaux.
Lorsque l’équipage du ARCA III s’éveille progressivement, la confusion est totale… Le vaisseau est posé en un lieu inconnu, totalement dépourvu d’étoile. Les humains s’organisent alors, entre installation temporaire, survie, mais également étude de leur environnement. Où sont-ils ? Pourquoi ? Et comment repartir de ce qui ressemble à un labyrinthe de taille proprement absurde ?
Mais tandis que ces questions se posent, les mentalités évoluent vite, et déjà certains envisagent-ils de s’établir dans ce lieu impossible plutôt que de risquer un nouveau départ… Tandis que d’autres multiplient les hypothèses sur leur situation…
De bonnes idées
Il faut reconnaitre que le scénario est plutôt bien ficelé, pour ne pas dire qu’il tient en haleine. Une migration interstellaire, un réveil non prévu, des aventuriers perdus, un endroit défiant toute logique, une IA 1 plutôt originale… Plusieurs personnages nous sont présentés ; pas très nombreux, mais aux aspirations plutôt claires, intéressantes, et évidement pas toujours convergentes. Même si le charadesign et les relations inter-personnages souffrent (probablement) du syndrome de l’adaptation (voir ci-dessous).
A plusieurs reprises, j’ai d’ailleurs pensé à Survivants, de Léo, avec qui cet « ARCA » partage de nombreuses thématiques : hibernation défaillante, colons perdus, lieu inconnu, aliens plus ou moins étranges, déphasages temporels…
Sans trop en dévoiler, ce dernier point est d’ailleurs plutôt bien amené, et est même un élément de scénario à tiroirs : l’on peut d’abord penser au calage temporel dû aux voyages en hibernation 2, quand intervient un second déphasage temporel, inexpliqué mais que l’on peut interpréter comme étant dû à l’atteinte de vitesses relativistes 3… Malgré de très bonnes idées, bien introduites, les concepts sont pourtant assez mal exploités ; ils donnent de la profondeur à l’univers et au récit, mais n’ont finalement que peu d’impacts sur la narration ou les personnages.
J’ai également repéré à regret quelques Deus Ex Machina qui, s’ils sont parfois acceptables, nuisent à la qualité globale du récit : la pyramide de l’ARCA I dont on ignore l’origine, l’apparition de Refuge I dans un labyrinthe pourtant fantastiquement vaste, les retrouvailles avec Ariane4 en fin d’album , la mort de Joanna peu explicite, la capacité de la pyramide à repousser les gardiens (facile et pas non plus expliquée)…
Restent une opposition intéressante dans le troisième quart de l’album (qui dépasse les 100 pages au total) entre ceux qui veulent rester à nouvelle Rémille, et ceux qui veulent repartir (craignant les gardiens ou espérant une sortie du labyrinthe).
On signalera enfin quelques dialogues qui sonnent parfois faux, ou peuvent paraitre assez peu inspirés. La faute possiblement au fait que cet album est en fait une adaptation…
Syndrome de l’adaptation ?
… et j’aurais tendance à dire que cela se remarque ! Certains passage de l’histoire vont un peu vite à mon gôut, comme si des portions avaient été retirées. C’est également vrai parfois d’une case à l’autre, où l’on soupçonne qu’il s’est passé des choses lors de l’ellipse d’intercase.
Un univers original
L’ambiance, quant à elle, est plutôt réussie. Le lecteur peut facilement ressentir les inquiétudes de cet équipage qui a quitté la Terre et se retrouve dans un environnement inconnu (voire absurde).
Toutefois, les raccourcis parfois pris nuisent à mon sens à ladite ambiance. Ainsi, l’on peut trouver que les colons s’habituent bien vite à leur sort, et/ou se posent assez peu de questions sur leur situation. Certaines (bonnes) idées n’ont finalement que peu de conséquences sur le récit et son atmosphère ; je pense en particulier aux « jardiniers ». La faute, sans doute, à un média (la BD) qui n’est pas tout à fait adapté au scénario d’origine.
L’ensemble de l’univers de SF dépeint dans ARCA sonne juste, avec des technologies crédibles (voire classiques) et des problématiques de vie dans l’espace qui sont au moins évoquées. Je pense en particulier au « jardin », dont la fonction est d’alimenter l’ensemble de la population en ressources. Seule la gestion de l’oxygène m’a paru peu claire, en particulier à l’extérieur du vaisseau (dans le tunnel/labyrinthe) où les personnages ont parfois des casques, et parfois non.
Graphismes
A mon sens, le dessin sera clivant, car le style un peu atypique est vraisemblablement assumé. Et je n’en suis pas particulièrement fan pour ma part. Les décors et technologies sont tout à fait réussis, tout comme les propositions de créatures extra-terrestres originales et crédibles. En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur les personnages, en particulier leurs expressions faciales, pas toujours lisibles (en particulier pour Eric, mais sa barbe rend probablement l’exercice ardu).
Un autre point m’a légèrement gêné, c’est la représentation des populations (de l’ARCA III, de Nouvelle Ramille, ou de Refuge I…). Alors que l’on est supposé croire que de nombreux habitants peuplent ces endroits, les vignettes en représentent en réalité assez peu, laissant une impression de lieux vides un peu étrange.
Restent néanmoins certains paysages saisissants, comme celui en exemple ci-dessus : un mélange de courbes organiques du sol, et de structures parallélépipédiques artificielles et étincelantes. Dommage que de telles cases ne soit pas plus grandes, sur des pleines pages, voire des double-pages.
Une petite déception
Si ARCA contient d’excellentes idées, des propositions intéressantes, un univers intrigant et des dessins solides, il a néanmoins été une petite déception pour moi.
Le scénario est prenant, mais contient trop de raccourcis, d’éllipses et de deus ex machina à mon goût. Les personnages sont assez inégaux dans leur personnalités et leurs réactions. Les bonnes idées sont mal exploitées…
…et surtout, surtout, l’album ne répond pas à la principale question : où sont-ils ?
Vu le niveau 4/5 de spoiler de l’article, j’ai arrêté ma lecture au synopsis, et je le lirai probablement une fois que je t’aurais emprunté cette BD qui m’attire bien, niveau illustrations et pitch
Je ne t’en dis pas plus, alors, et te prêterai l’album avec plaisir.
J’avais quelques petits doutes sur mon système d’alertes de spoilers, mais du coup je suis ravi de constater qu’il sert ! 🙂