Parmi la galerie des supervilains qui sévissent à Gotham City, l’un de mes préférés a toujours été Mister Freeze. Scientifique génial spécialisé dans la cryogénie, il vécu une tragédie lorsque sa femme, Nora, développa une maladie incurable. Il entreprit alors de la placer en hibernation, espérant la ranimer lorsque la science serait suffisamment avancée pour la guérir. Après quoi, un accident de laboratoire modifia fondamentalement son métabolisme, le condamnant à vivre dans des températures négatives. Désormais équipé d’une combinaison spéciale, mais également d’armes frigorifiques, les motivations de Freeze oscillent entre vengeance aveugle contre l’ensemble du monde en général (et Batman en particulier) mais aussi l’espoir de retrouver1 un jour la femme qu’il aime.
Editée chez Urban comics, la série « Batman Arkham » rassemble différents tomes, chacun centré sur l’un des supervilains emblématiques du Chevalier Noir. Chaque album est ainsi une anthologie, permettant de revenir aux premières apparition du personnages (généralement dans la première moitié du XXème siècle), puis de prolonger sa découverte jusqu’à ses itérations les plus récentes.
Je ne pouvais donc clairement pas passer à côté de ce recueil dédié à Mr. Freeze, et je vous en propose une critique, récit par récit, ci-dessous…
Récit #1 : les crimes glacés de Mister Zéro
Premier apparition de Mister Zéro (son ancien nom), comme un criminel très classique de l’âge d’or des comics.
Petite introduction que ce comics, en guise d’amuse-bouche, qui pose quelques bases du personnages (accident industriel, condamné au froid, pistolet frigorifique et chauffant).
Récit #2 : Le glacier sous Gotham
Daté de 1985, ce récit est aussi vieux que moi !
Mister Freeze souhaite geler plus ou moins toute la ville (parce que « pourquoi pas », dialogue littéral !). Pour cela, il utilise le sous-sol naturel de Gotham, ainsi qu’un canon cryogénique de grande portée.
Dans un style résolument 80’s (Freeze a un look qui frise le punk, voyez vous-même), le scénario est tout juste passable, tant les motivations du personnage sont risibles. L’intervention de deux journalistes dans le récit n’apporte pas grand chose, même si je devine que ces personnages devaient être plus ou moins récurrents à l’époque. Notons qu’ici, Robin est Jason Todd, le second acolyte de Batman, que l’on voit assez peu souvent dans des publications françaises.
Soulignons tout de même d’originalité d’une narration en rimes, même si celles-ci sont assez peu inspirées, et n’apportent finalement pas grand chose.
Récit #3 : Actifs gelés
Mister Freeze s’adresse à de riches millionnaires, leur faisant miroiter la vie éternelle grâce à la cryogénie (qu’il a jadis appliquée à sa femme Nora) et de futures sciences. Mais ses intentions ne sont évidement pas si louables…
L’idée de base du scénario est intéressante, même si elle n’est finalement pas vraiment approfondie. Ici, Freeze est accompagné de deux acolytes, Ice & Cube, qui parlent par rimes (encore, bien que rien à voir avec le récit précédent) et pour le coup cela fonctionne plutôt bien.
Au niveau des dessins, l’on est sur un style très marqué, avec des personnages caricaturés, à la limite du cartoon. Pour ma part, j’ai néanmoins bien accroché. Le design de Mr. Freeze est également très réussi, en même temps terrifiant et lumineux, dont on ne voit que le haut de la tête (à la façon d’un crane osseux).
Récit #4 : Coeur de glace
Alors que Mister Freeze a entrepris une croisade aveugle dans les rues de Gotham, il nous invite dans son propre passé au travers d’un tragique flashback. Il revient ainsi d’abord sur sa jeune enfance et sa relation complexe avec ses parents, puis sur son histoire d’amour condamnée auprès de la douce Nora.
Cet issue est signé Paul Dini : scénariste largement plébiscité, c’est en particulier lui qui a réinventé les origines tragiques de Mr. Freeze dans la série animée de 1992, avant quelles ne soient entérinées dans les comics. Il revisite de nouveau ici l’origin story du personnage, au travers d’un flashback magistralement touchant, sacralisant (à mon sens) tout l’intérêt de ce supervilain : un vrai méchant, avec de vraies raisons. En particulier, on est loin au dessus du One Bad Day dédié à Mister Freeze, qui avait raté ce rendez-vous.
Probablement le meilleur récit de cette anthologie.
« Pour la première fois depuis des années, mon esprit s’embrase. »
Mr. Freeze
Récit #5 : le feu et la glace
Batman et Mr Freeze sont coincés ensemble sous un dôme de glace, fragilisé et prêt à s’effondrer, tandis qu’un gigantesque incendie brûle à l’extérieur. L’occasion de confronter leurs psychés…
Si le scénario (bancal) tient sur un timbre poste, le récit n’en est pas moins intéressant, avec une opposition pertinente des deux protagonistes. Au désespoir de Freeze se joint la sempiternelle question (récurrente dans les comics) : Batman ne doit-il pas séjourner à l’asile d’Arkham, avec les fous qu’il y enferme…? L’on notera une jolie symbolique des saisons, ainsi que de tout aussi jolis dessins classiques, mais jouant habilement sur les nuances de bleus et d’oranges.
Récit #6 : Froid tranchant
Semblant agir différemment de ses habitudes criminelles, Mr. Freeze rassemble différents objets plus ou moins anodins, dans un objectif inconnu et mystérieux. Batman mène l’enquête, tandis qu’un premier affrontement lui fait subit un nouveau type d’arme cryogénique.
Un récit doté d’une narration non linéaire plutôt sympathique, entrecoupée d’échanges entre Bruce et Alfred, au coin du feu. Reprenant le côté dépressif de Mr. Freeze déjà abordé au récit précédent, nous touchons ici du doigt le désespoir du personnage, et l’absence de limite que sa folie lui autorise. Servi par des dessins simples mais efficaces, un issue tout à fait plaisant !
Récit #7 : Neige
Dans les toutes jeunes années de Batman, celui-ci a fort à faire avec les gangs des rues. Pour l’épauler, il réuni une équipe civile de spécialistes (psychologue, ingénieur, homme de terrain…) qu’il emploie à son service… En parallèle, le génial Victor Fries néglige sa femme au profit de son projet d’armes révolutionnaires.
Ce récit est le plus long du recueil, puisqu’il est chapitre en 5 parties. Autant centré sur Freeze que sur Batman, nous sommes ici dans les débuts de ce dernier : période trés bien traitée, nous découvrons un Bruce Wayne incertain, hésitant, humble, faisant des erreurs et ayant besoin des conseils d’Alfred 2. Son idée de création d’une équipe clandestine pour l’épauler est étrange, mais finalement plutôt logique dans sa démarche. Ce récit est l’occasion de nous proposer une variation autour de l’origin story de Mr. Freeze ; « variation » et non « réécriture », car l’histoire est globalement toujours la même, peut-être un peu plus à jour et crédible 3, ce qui ne lui enlève rien. Signalons que le dessin est très clivant, assez inhabituel dans les comics (il évoque beaucoup plus la BD franco-belge), et parfois franchement figuratif ; pour ma part, il a remporté mon adhésion. Seule bémol : une conclusion un peu trop rapide, et qui sera forcément ouverte…
Récit #8 : Premières neiges
Emprisonné à l’asile d’Arkham, Mr. Freeze parvient à s’en échapper et tente de retrouver son armement au plus vite, tandis que Nightwing, Robin et Batman sont à ses trousses
Récit directement lié à l’arc des Hiboux4 de Scott Snyder (il est d’ailleurs inclus dans l’album « La Nuit des Hiboux »), nous retrouvons une histoire plutôt classique, entrecoupée de flashbacks qui nous proposent une nouvelle origin story pour le supervilain. Cette fois, il s’agit bien d’une réécriture (originale, même si j’y adhère moins), bien que cela commence à faire beaucoup dans un même recueil. Les prologues et épilogues sont toutefois saisissants, et le dessin de Fabok est de toute beauté !
Récit #9 : Rafraichissement
Synopsis
Difficile de résumer ce très court récit de quelques pages, tant il semble décalé du reste de l’album… Dans un style semi-parodique non dénué d’une certaine tendresse, l’on y suit un Mr. Freeze presque repenti, défendant une modeste marchande de glaces. Très (trés) anecdotique.
Conclusion
Une anthologie de très bonne qualité, à mon avis. Et si les récit sont d’intérêt variable, ils permettent une (re)découverte du personnage au fil du temps, avec ses tourments et en particulier ses origines tragiques. Seul bémol lié à ce dernier point : son origin story est sans doute trop répétée au fil de l’album, sans doute au détriment d’un ou deux récits qui auraient pu varier un peu plus…
- Bien que cette notion prenne des formes très variées, suivant les récits et les auteurs…[↑]
- Nous avons d’ailleurs son point de vue direct dans le premier chapitre, original voire amusant.[↑]
- Freeze n’est plus un savant solitaire, mais un chef de projet dans l’industrie de l’armement.[↑]
- Un excellent dyptique que j’ai désormais furieusement envie de relire ![↑]