Baden-Powell

Garantie sans spoiler

L’article ci-dessous ne contient aucun spoiler, même mineur.

Pour tous les boy-scouts du monde (et les anciens scouts, dont je fais partie), le nom de Baden-Powell revêt un caractère légendaire ! Il s’agit en effet du fondateur bien réel du scoutisme, qui créa le célèbre mouvement il y a environ un siècle. J’ai récemment découvert l’existence du présent album de BD à l’occasion du 31ChallengeBDMC, et me le suis donc procuré, d’occasion évidement, pour un prix plutôt modique.

Daté de 1956 (première édition en 1950), il est impératif de le remettre dans son contexte. A l’époque, la BD franco-belge (bien que déjà largement répandue) en était encore à ses débuts, et en 56 :

  • Astérix ne commencera que dans 5 ans
  • La série Blake et Mortimer en est à la « Marque Jaune » (album #6 sur 12 de Jacob, l’auteur originel)
  • Spirou voit son 6eme tome tout juste publié (sur 57)
  • Les Schtroumpfs n’apparaitront que dans 7 ans
  • Tintin en est à l’affaire Tournesol (18e album sur 24)

Soulignons que l’odeur forte du (très) vieux papier imprimé a accompagné ma lecture, non sans réel déplaisir.

Comme son nom l’indique subtilement, les plus de 80 pages de l’album proposent de suivre Robert Baden-Powell au travers de ses multiples aventures, tout d’abord dans son enfance mais ensuite (et surtout) lors de sa carrière militaire au service de Sa Majesté dans un XIXè siècle finissant. Il sera ainsi amené à voyager de nombreuses fois entre le Royaume Unis, les Indes, le Moyen-Orient, la Russie des tsars et (surtout) l’Afrique sub-saharienne. Tantôt meneur d’hommes, tantôt éclaireur, tantôt espion1, il n’aura de cesse de limiter l’usage de la violence et de conserver l’esprit ouverts à ce et ceux qu’il pourra observer…

Une fois la mise en contexte ci-dessus en tête, force est de constater que la lecture de cet album ne m’a pas passionnée… Sans être réellement une corvée, il se survole sans que l’on parvienne véritablement à « entrer dedans ». Le personnage de Baden-Powell (personnage principal, et en réalité seul véritable protagoniste) est assez lisse. Sans peur et sans reproche, souvent présenté sous un jour de jovialité so british, sa personnalité reste inexplorée et seuls certains traits de caractère sont légèrement abordés, tels que son goût des grands espaces ou des arts (dessin, théâtre). Et bien sûr ses objectifs restent assez nébuleux, et il semble porté – tout comme le lecteur – par une suite de péripéties et d’évènements successifs mais disjoints et sans grand intérêt, parfois même poussés par des deus ex machina (comme sa façon d’infiltrer un fortin en Turquie, en milieu d’album). Et si l’on aurait pu supposer que ses aventures participeraient à la formation du jeune Baden-Powell2 et à sa façon d’appréhender le scoutisme, nous ne voyons finalement jamais le protagoniste réellement évoluer, murir, ou être impacté par ce qu’il traverse… Sur des thématiques similaires, cet album échoue là ou la Jeunesse de Picsou réussit avec brio.

Tout au plus cela nous permet de réviser découvrir une partie de l’histoire de l’empire britannique. Mais sans parvenir à constituer un véritable scénario d’ensemble, le récits se limite à égrener les hauts faits de Baden-Powell, tantôt ingénieur, tantôt acteur, mais surtout militaire à la carrière fulgurante. Si l’ensemble est sans doute véridique et biographique, cela ne suffit pas à en faire une histoire intéressante et nous en restons à une ambiance générale très naïve, très premier degré, et sans doute typique de l’époque de parution de l’album.

Pour en rester sur du « typique de l’époque », notons que les dessins sont également dans leur jus. Si les proportions sont parfaitement maitrisées et les actions plutôt justes, les expressions crédibles et chaque personnage bien reconnaissable (même s’il y en a peu), les décors sont eux souvent très pauvres voire inexistants. C’est dommage pour un personnage qui n’est pas avare en voyages. Les couleurs quant à elles sont passée, mais cela peut être dû aux techniques d’impression d’époque et/ou à l’âge du livre (qui a, rappelons-le, presque 70 ans).

Le découpage des cases est extrêmement classique, et les compositions sont toutes sur une base de gaufrier de 3×4 cases, avec parfois fusion de certaines pour proposer des cases plus grandes ou plus longues.

L’auteur, Jijé, est en même temps le scénariste et le dessinateur de l’album. Emblématique de son époque (Spirou, Tanguy & Laverdure…), il est l’un des fondateurs de l’école de la Marcinelle, sur laquelle je reviendrai dans un prochain article.

Enfin, l’on pourra regretter que l’album n’aborde le scoutisme que dans ses toutes dernière page, dans ce qui ressemble à un épilogue, allongé d’une postface. Là encore, c’est dommage, même si les thèmes abordés tout au long de l’ouvrage en portent déjà les germes aux travers des valeurs (belles mais attendues) de Baden-Powell : l’amitié au delà des peuples ou classes sociales, l’amour de la nature, l’ouverture aux autres, mais également le pouvoir des arts.

En conclusion, un album qui est représentatif de son époque. Si le récit est décevant, il reste un bel objet d’archive, et porte malgré tout un regard positif sur le monde, non sans naïveté…

  1. Souvent espion, une découverte pour ma part.[]
  2. Tout juste pouvons-nous souligner son apprentissage du pistage en Afrique, qu’il réutilise une ou deux fois ensuite.[]

Notes

Scenario : 2 / 10
Dessin : 4 / 10
Ambiance : 7 / 10
Note moyenne : 4.3 / 10

En savoir plus sur l'album...

Album : Baden-Powell

Editeur :

Parution : janvier 1956

Taille : 95 pages

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.