Ils sont dix. Se connaissant et se fréquentant depuis plus ou moins longue date (parfois depuis le lycée), ils se retrouvent invités par leur ami commun Walter dans une luxueuse villa. En bord de lac, immense, disposant de tout le confort imaginable dans les moindres détails ainsi que d’un gigantesque parc décoré de statues étranges, le week-end dans cette maison promet d’être mémorable !
Ce qu’ils ignorent, c’est qu’ils n’ont pas été rassemblés ici par hasard. Sélectionnés parfois depuis des décennies, ils ont été réunis dans cette maison précise pour… survivre à la fin du monde. Dans cette situation impossible et absurde, dans ce groupe hétérogène bien que soudé, les réactions seront diverses entre colères, désespoirs et froide méthodologie pour essayer de comprendre…
Le scénario repose sur une idée captivante : un huis clos où l’absurde côtoie la rationalité. Les personnages, bien que nombreux, parviennent à exister grâce à une caractérisation soignée et des dialogues justes. Voir un groupe tenter de raisonner et de s’organiser face à une situation aussi surréaliste est un plaisir rare dans ce type de récits. Cela donne une profondeur aux relations et une certaine logique au chaos ambiant.
Cependant, tout n’est pas aussi abouti. Si l’ambiance pesante et paradoxalement teintée d’humour est une vraie réussite, servie par un décor oppressant — cette villa isolée, en bord de lac, cerclée d’étranges statues —, le dessin, lui, est le point faible de l’album à mon sens. Si les choix de charadesign et la composition servent tout à fait l’intensité du propos, le style du dessin en lui-même sera clivant ; on aimera ou pas. Plus en impression et en aplats de couleurs, négligeant (tout à fait volontairement) les détails, il n’a pas remporté mon adhésion. Les décors, pourtant centraux à l’intrigue, manquent de finesse et d’impact visuel. Cela génère un décalage frustrant, d’autant que l’ambiance narrative aurait mérité un traitement graphique plus fin et détaillé.
L’ambiance générale est une réussite absolue : la tension permanente, mêlée à un humour subtil, rend la lecture addictive. Les nombreux inserts (emails, notes manuscrites, réseaux sociaux) viennent enrichir la narration et apportent une modernité bienvenue, même si certains de ces ajouts paraissent parfois superflus. Le groupe, riche en diversité, ajoute une touche de réalisme mais peut parfois perdre le lecteur par la complexité des relations.
Pour ma part, c’est donc un gros coup de coeur, malgré des dessins auxquels je suis resté assez hermétique