Renaissance : Mission humanitaire sur Terre

Attention : Spoilers de niveau 4/5 !

L’article ci-dessous contient des spoilers : beaucoup de révélations sur l’œuvre, y compris sur des aspects majeurs de l’intrigue et des twists importants ; mais sa conclusion n’est pas abordée, ou de manière masquée (clic nécessaire de la part du lecteur pour y accéder).

Renaissance est une excellente série en 6 tomes, divisés en deux trilogies (deux cycles). Saga d’anticipation qui inverse les codes de la Science Fiction, elle suit différents protagonistes dans un avenir proche et crédible : la Terre décline, et des extra-terrestres décident d’y envoyer une mission humanitaire

Dans cet article-bilan, je vous propose une revue globale de ce qui fait cette série, et pourquoi il faut absolument que vous la lisiez !

Le Lore

La série commence ainsi en 2084, lors de l’arrivée d’une fédération alien nommée « Le Complexe », en mission humanitaire sur une planète Terre au bord du gouffre : c’est le projet Renaissance, en particulier porté par la race extra-terrestre des näkans.

La Terre en péril

Sur la brèche, sans issue la Terre est dépeinte dans le premier cycle comme une planète condamnée à court ou moyen terme. Bien que clairement à l’agonie, le monde n’est pourtant pas dépeint comme un cadre franchement post-apocalyptique. Cette subtilité permet de transmettre au lecteur la lueur d’espoir qu’apporte très rapidement la mission Renaissance.

Alors que le Complexe s’apprête à se manifester sur Terre, la situation est dramatique :

  • Le réchauffement climatique a initié une montée des eaux catastrophique, obligeant les habitants des grandes cités à se réfugier dans les étages des villes ;
  • Une épidémie de fièvre aussi mystérieuse que mortelle ravage l’Europe ;
  • Des méga feux ravagent le Texas et le Moyen-Orient. Alimentés par les hydrocarbures souterrains, il sont impossible à maitriser ;
  • Une guerre civile a ravagée les USA, comme un sombre remake de la guerre de Secession ;
  • Plus généralement, les gouvernements des différentes nations du monde sont en fuite ou en déroute 1.

Technologies humaines

Bien qu’à l’agonie, la Terre présente des technologies avancées (même si souvent désormais hors de contrôle). L’équilibre n’est sans doute pas simple pour les auteurs de la saga, de garder une balance précaire entre des technologies humaines avancées et crédibles d’un côté, et des technologies aliens clairement en rupture de l’autre.

Les drones de combat

Principalement présents dans ce qu’il reste des USA, ces machines de guerres sont des restes des guerres civiles que connût l’Amérique au milieu du XXIe siècles. Ces tanks gigantesques montés sur pattes articulées font plusieurs dizaines de mètre de haut ; désormais à l’abandon, autonomes et hors de contrôle, ils sont mût par des algorithmes endommagés et représentent de réelles menaces anonymes et impersonnelles.

Les IA

On le découvre dans le premier cycle : l’humanité a mis au point des IA avancées, avant de commencer à en perdre (là encore) le contrôle. C’est typiquement le cas de la Cité Soleil, où Sätie et Hélène sont conduites durant leur enquête sur l’épidémie de fièvre.

A l’inverse, le complexe ne semble pas utiliser de telles IA. J’y vois une critique de la trop grande confiance de l’Humanité en ses technologies. Critique d’autant plus pertinente qu’elle est parue à la fin des années 2010, avant l’explosion des IA génératives que nous connaissons désormais au milieu des années 2020 (ChatGPT, Deepseek, et consort…).

Le Complexe

Le Complexe est une fédération rassemblant plus d’une vingtaine de peuples (et donc nettement plus de planètes). Son étendue géographique n’est pas précisée, difficile de dire si elle représente une petite portion de la galaxie, ou une zone significative de l’univers.

Sa direction est assurée à tour de rôle par l’une des races qui y adhére, sur une base de démocratie, de débats et de scrutins. Le Complexe est globalement pacifique (aucune guerre ouverte en cours) et bienveillant (puisqu’il initie des missions humanitaires).

N’importe quel peuple suffisamment avancé peut demander à intégrer le Complexe (un peu à la manière de l’Union Européenne dans notre monde réel). La candidature sera étudiée avec soin et devra satisfaire à de nombreux critères, notamment éthiques.

Ses races

Les races qui composent le Complexe sont nombreuses (leur nombre est même augmenté, me semble-t-il, dans le second cycle). Sans toutes les détailler, en voici les principales :

Les Nakäns

Batraciens bipèdes à la conscience écologique développée, ils forment une civilisation paisible sur leur planète forestière.

Ils sont à la tête du Complexe lors de la saga qui nous est proposée dans la BD, et sont donc à l’origine de la mission Renaissance.

Principaux représentants :

  • Swänn
  • Sätie
  • Lizä
  • Jönh-Paul
Les Skuälls

Race plutôt intimidantes faisant partie des fondateurs du Complexe, les skuälls ont refusé de participer activement au projet Renaissance. Leur anatomie est assez particulière bien qu’ils soient bipèdes, tandis que leur visage est perpétuellement grimaçant…

Principaux représentants :

  • Gäry
  • Un groupe de braconniers
Les Origames

Les origames sont des conscience gazeuses (des êtres naturels même si une ambiguïté peut exister en début de saga) qui pilotent de petits vaisseaux à la géométrie perpétuellement changeante 2.

Muets, dénués de noms, d’un caractère direct, ils font d’excellents guerriers volants en combat rapproché.

Les Thorgons

Les thorgons, peuple initialement aquatique, font partie des fondateurs du Complexes. Parmi les plus anciens, ils sont considérés comme les plus sages et réfléchis, mais également les plus riches. Ils participent activement à Renaissance, en particulier en finançant la mission.

Principaux représentants :

  • Jäson
  • Cönrad
Les Kobält

Espèce majeure dans la fédération, ses membres (bipèdes aux allures vaguement canines) semblent avoir un léger penchant pour l’ingénierie et la technologie. Ils sont d’un naturel plutôt doux, avenant et souriant.

Les kobält disposent d’une étrange « empathie animale », sorte de télépathie naturelle de bas niveau leur permettant de communiquer avec la plupart des êtres vivants. Il s’agit là du seul aspect vaguement fantastique que j’aie relevé dans la saga.

Par le passé, leur planète fût le théatre d’une guerre entre näkans et skuälls.

Principaux représentants :

  • Pablö
  • Gäry
Les Caryops

Peu développés, les caryops sont une race aux apparences de mollusques ou de méduses, dotés d’une tête plates et disposants de nombreux appendices visuels et de nombreuses tentacules.

Ses technologies

Saut Quantique

Assez peu détaillé (et c’est dommage), le saut quantique est le principal vecteur de déplacement inter-stellaire des membres du complexe. L’on pourrait facilement le comparer avec des concepts plus classiques de la science-fiction, tels que l’hyperespace, le warp, la distorsion ou la téléportation à longue portée.

Ici, toutefois, il semble que les véhicules ou personnes effectuant un saut quantique passent par une sorte de dimensions intermédiaire nommée « interzone », situé entre leurs points de départ et d’arrivée. Cet espace est a priori hautement surveillé, puisque le Complexe est capable de repérer des sauts non-autorisés, sans pour autant pouvoir les interdire…

Les sauts quantiques sont garantis par l’installation de générateurs dédiés sur de nombreuses planètes de l’univers. Un tel générateur existe sur Köbalt, illustré en couverture du tome 5.

Les porteuses

Ces gigantesque vaisseaux sombres et globalement plats m’ont invariablement fait penser aux envahisseurs du film Independance Day ; d’ailleurs, les compositions de Emem contribuent à les rendre démesurées et impressionnantes.

Pourtant, les porteuses ne sont pas conçues pour détruire, mais bien pour créer : correctement approvisionnées en matières premières, elle sont capables de générer en temps réel à peu prés tout le matériel (équipements, véhicules, outillages…) dont le projet Renaissance à besoin, en fonction des aléas rencontrés.

Elles servent également de gigantesques vaisseaux transporteurs.

Armes

Les armes du complexe sont largement non-léthales (à l’exception notables des origames).

Certaines sont incapacitantes, exacerbant démesurément des sentiments tels que l’euphorie ou la dépression dans un rayon d’action donné. D’autres génèrent des sortes de champs de force, permettant de manipuler (repousser, dévier, soulever) des objets plus ou moins lourds à distance.

Duplication

La technologie de duplication permet à une personne de se matérialiser à distance sous forme de volume plasmique solide, mobile et monochrome. Technologie de communication bien pratique, permettant les dialogues inter-stellaires, elle s’apparente à une sorte de projection holographique solide.

De manière un peu surprenante, cette technologie nous est introduite en détail dans le tome 1 comme une sorte de set-up, bien qu’il n’y ait pas de pay-off ensuite…

En dehors du Complexe

Idée amorcée assez tôt dans la série, le Complexe est une fédération rassemblant plus d’une vingtaines de peuples différents. Mais l’univers est bien plus vaste, et nombre de mystères planes au delà de ses frontières.

L’un d’entre eux est la race des Ouröbörös, en conflit depuis des temps immémoriaux avec le Complexe. Bipèdes au charadesign peu inspiré mais à l’allure néanmoins inquiétante, ils forment une civilisation qui peut être vue comme le reflet d’une humanité qui aurait conquis les étoiles (et ce verbe est le bon !).

Entre Humanité et Complexe

Thème sous-jacent de la seconde partie de la saga, la colaboration entre Renaissance et la Terre entraine de nombreux transferts de technologie, plus ou moins encadrés…

Saut primal

Le saut primal est un élément central du second cycle de la saga : il désigne le premier voyage inter-stellaire effectué par une vingtaine de jeunes humains, aux compétences variés (à fortes dominances scientifiques).

Symbole fort pour la Terre (mais également pour le projet Renaissance), il ouvre les portes de l’univers aux humains.

Australis

Australis est une cité flottante, fruit d’efforts communs entre aliens et humains. Centre d’échanges, de débats, et de recherche scientifique, cette ville est le symbole de la renaissance de l’Humanité grâce aux technologies apportées par Renaissance. Elle permet également des tractations avec les grands mammifères marins (baleines, dauphins…) avec lesquels Renaissance entend également nouer un dialogue3.

Androides/Cyborgs

Le second cycle de la saga nous apprend l’existence de cyborgs, en réalité plutôt des androïdes purement artificiels 4 alors qu’ils étaient inexistants dans le premier cycle. J’en déduis qu’ils sont le fruits des transferts de technologie entre Renaissance et la Terre (bien que le Complexe ne semble pas utiliser de tels robots non plus…).

Là où cela devient intéressant, c’est qu’une rébellion semble avoir eu lieu entre les deux cycles de la saga (donc entre les tomes #3 et #4). Des humains ont utilisé des virus informatiques pour « libérer » ces androïdes, en leurs donnant une conscience d’eux même ainsi que des velléités de liberté. C’est ainsi que des robots se retrouvèrent en liberté, mus par leurs propres désirs.

Les albums

Dés le départ, la série Renaissance a été pensée (et a priori signée) par ses auteurs comme deux cycles de 3 tomes, distants de plusieurs décennies (cf. podcast en lien ci-dessous). Pourtant, l’éditeur Dargaud a vendu les 3 premiers tomes comme une histoire complète sans mention des 3 tomes suivants. Une démarche qui se comprend tout à fait d’un point de vue marketing, mais assez malhonnête dans le principe.

Pour retrouver mes critiques des 6 tomes, un par un, voyez ci-dessous :

Des questionnements très actuels

La saga Renaissance aborde plusieurs thèmes forts qui s’entremêlent pour créer une œuvre complexe et réflexive, fortement inspirée par des événements historiques et des questions éthiques contemporaines.

L’aide humanitaire et ses dilemmes

La saga explore en profondeur les complexités du devoir d’aide humanitaire. Elle soulève des questions éthiques cruciales, notamment sur le consentement des victimes et la légitimité d’aider quelqu’un contre sa volonté. Ces dilemmes font écho aux débats réels sur l’intervention humanitaire internationale.

Le coût de l’aide humanitaire est également abordé sous différents angles :

  • La question des compensations pour les aidants ;
  • L’utilisation des ressources locales au bénéfice des victimes, sans leur accord préalable.

Ces aspects reflètent les défis pratiques et éthiques auxquels sont confrontées les organisations humanitaires dans le monde réel et actuel.

La guerre vue de l’intérieur

La saga offre une vision saisissante du chaos de la guerre à travers les yeux d’un soldat en première ligne. Le personnage de Swänn incarne cette perspective, fortement inspirée de la guerre du Vietnam. Cette approche permet d’explorer les traumatismes psychologiques et les dilemmes moraux auxquels sont confrontés les soldats dans des situations de conflit extrême.

Les conflits raciaux, dans un contexte intergalactique

Enfin, Renaissance transpose la problématique des conflits raciaux dans un cadre de science-fiction, offrant ainsi un nouveau prisme pour examiner ces questions. La saga explore :

  • Les tensions entre aliens et humains ;
  • Les conflits internes à la fédération du Complexe
  • Les affrontements entre le Complexe et des civilisations extérieures.

Cette dimension permet d’aborder de manière allégorique les problématiques de racisme, de xénophobie et de conflits intercommunautaires qui persistent dans nos sociétés.

En tissant ces thèmes ensemble, Renaissance crée une œuvre qui invite à la réflexion sur des questions éthiques, sociales et politiques complexes, tout en offrant une expérience de lecture immersive dans un univers de science-fiction richement développé…

Parlons rapidement des scénaristes

En savoir plus…

A propos de Renaissance mais aussi de Fred Duval, je vous conseil l’épisode idoine de l’excellent podcast C’est plus que de la SF, ou ce dernier est interviewé pendant environ 1h. On y apprend plein de choses !

Fred Duval

Fred Duval est largement connue et reconnu pour sa série (désormais terminée) Carmen Mc Callum, dont je me souviens avoir lu quelques tomes dans les années 90. J’en garde quelques souvenirs trés confus mais trés bons d’une série cyberpunk avec une héroïnes en tête de proue. Peut-être l’occasion pour moi de m’y replonger…?

Fred Blanchard

Lors de l’écoute du podcast évoqué plus haut, j’ai découvert par le plus grand des hasard que Blanchard avait travaillé dans les années 90 sur l’adaptation en BD franco-belge (cocorico !) de l’excellent trilogie romanesque du cycle de Thrawn, certainement l’une des meilleures histoires se déroulant dans l’univers Legend de Star Wars ! Et si lire l’adaptation des romans (que j’avais adorés) ne m’inspirait pas plus que cela usqu’à présent, j’avoue que je suis en train de revoir mon jugement…

A suivre

Je ne l’ai découvert qu’à la lecture du dernier tome, mais une nouvelle série prend place dans le même univers que Renaissance ! Pour mon plus grand plaisir, car vous l’aurez compris, je recommande plus que chaudement la lecture de cette série !

« Apogée », puisque c’est le nom de cette nouvelle trilogie, explorera la première grande guerre inter-stellaire qui opposa la civilisation Ouröbörös à la fédération du Complexe, bien longtemps avant les évènements relatés dans la série « Renaissance ».

  1. C’est d’ailleurs une volonté affichée du scénariste d’ignorer les grands du monde pour se focaliser sur des héros ordinaires.[]
  2. D’où le probable jeu de mot avec « origami ».[]
  3. Cet aspect ne sera toutefois pas du tout approfondi. Dommage.[]
  4. Alors qu’un cyborg est sensé être un mélange entre un être vivant et une machine.[]

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