Synopsis
Cela fait désormais 3 ans que le mystérieux Batman opère dans la ville de Gotham City. Aidé du lieutenant Gordon, désormais en exil, il a déjà obtenu quelques succès dans sa lutte contre la corruption et la mafia. Mais depuis peu, un autre justicier auto-proclamé a fait son apparition en endossant également le costume de la chauve-souris ; et ce dernier n’hésite pas à franchir la ligne rouge en commettant des meurtres. Bien que ses victimes soient loin d’être innocentes, les agissements de cet imposteur jettent le trouble et le discrédit sur Batman et sa croisade, déjà sur la brèche de l’incertitude vis à vis de la police et de l’opinion public. C’est également dans ce contexte que la jeune inspectrice Wong décide de comprendre Batman, ses motivations, et l’origine de ses ressources…
Critique
Une très bonne lecture que cette histoire complète en 3 chapitres, édité et mis en avant à l’occasion de la sortie du film The Batman de Matt Reeves (clairement une volonté de surfer sur la vague du film, mais cela est réussi et justifié).
L’histoire est rondement menée, l’enquête est intéressante, connaît son petit lot de rebondissements (dans un format tout de même assez court de <200 pages) tout en prenant le temps d’installer une ambiance noire et sale, en posant quelques fausses pistes, et en faisant évoluer ses personnages. On a même droit à quelques passages clairement poétiques. Le parallèle entre les passés de Blair Wong et Bruce Wayne est un peu grossier, mais leur alchimie fonctionne tout de même très bien. En plus de l’enquête de Bruce Wayne – alias Batman – pour démasquer sans ménagement cet imposteur-meurtrier, l’on suit donc le parcours de Blair Wong, ainsi que le point de vue plus lointain du Dr Tompkins 1 sur l’état psychologique de Bruce. Cette dernière invite le lecteur à se poser la question : Batman n’est-il pas aussi fou que ceux qu’il combat ?
J’ai particulièrement apprécié l’approche ultra-réaliste de Batman et son univers. L’homme chauve-souris n’est clairement pas un surhomme et prend de sacré dérouillées sanglantes. Afin d’être le plus efficace possible, il cache des motos et tyroliennes un peu partout dans Gotham, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention du GCPD 2. Et certaines questions pertinentes sont évoquées. Par exemple, le personnage de Batman est finalement grotesque, malgré les moyens conséquents dont il dispose. Se pourrait-il qu’il soit financé par un groupe industriel, qui aurait pour but de jouir des dommage collatéraux que pourrait causer le justicier par inadvertance à leurs concurrents. Ces conséquences des agissements de Batman sont également soulignés avec intelligence par le récit.
L’ambiance, déjà évoqué plus haut fonctionne à merveille, dans cette ville poisseuse et sombre, gangrenée par des corruptions de toutes sortes. Les dessins sont globalement de trés bonne facture et aident à l’immersion. Les personnages ont des morphologies bien distinctes, ce qui aide à entrer facilement dans le récit. Certaines planches proposent des compositions magnifiques, avec certains choix originaux (exemple ci-dessus : Batman surplombant une flèche de cathédrale, avec un choix de couleur en négatif) et une belle maitrises des couleurs, principalement le noir, le blanc et le rouge. Certaines scènes d’actions sont tout de même parfois difficiles à décoder, mais là n’est pas la force de ce récit, de toute façon.
Le découpage des pages et la répartition des cases est également parfois très audacieux, avec par exemple des double-pages pour une seule case, ou des cases entremêlées, ou encore des cases qui se suivent en forme de losanges ou de cercles discontinus et imbriqués de manière plus ou moins complexe. Si cela peut parfois apparaître comme déroutant, voire dérangeant, c’est très probablement volontaire, afin que le lecteur s’immerge et se perde dans les méandres de la ville tout comme la psyché de ses habitants. La lecture en reste toutefois plutôt aisée, pas d’inquiétude à ce sujet.
Pour conclure, un excellent album sur les début du chevalier noir à Gotham, avec une enquête sombre qui fait la part belle à l’obscurité présente en chacun de ses protagonistes. Sans marquer définitivement l’univers de Batman, un récit très plaisant à lire les yeux fermés (ben quoi ?).
