Avec ce cinquième tome de Batman: No Man’s Land, la structure déjà fragmentaire de l’event se dilue davantage, donnant à cet album une dimension anthologique plus qu’une unité narrative forte. Si certains récits parviennent à capter l’essence chaotique de Gotham en ruines, d’autres tournent en rond, oscillant entre intrigues artificielles et redites scénaristiques. Ainsi, une fois n’est pas coutume et contrairement aux précédents, cette critique traite l’album comme une anthologie.

Entre profondeur et maladresse
L’album s’ouvre sur un récit centré sur « Pavé », un policier chargé par Batman de protéger un groupe d’orphelins. Ce récit, qui tente de mêler tension et dilemmes moraux, échoue pourtant à instaurer une véritable profondeur. La facilité avec laquelle les enfants semblent pouvoir quitter Gotham soulève des incohérences troublantes, rendant l’histoire bancale .
Vient ensuite une intrigue autour de Bane, missionné par un mystérieux commanditaire pour détruire les archives de Gotham. Si cet évènement intrigue, il souffre d’une introduction trop artificielle, expédiée en un dialogue explicatif entre Batman et Robin.
Dans la même veine, l’histoire d’un chef de gang promettant une évacuation de la ville aux survivants, en échange d’argent, se révèle aussi prévisible que dénuée d’enjeu réel.
Des éclats de brillance
Certains récits parviennent néanmoins à relever le niveau. Superman, incapable de rester inactif, revient dans Gotham pour aider ceux qui en ont besoin. Une histoire simple, mais touchante, qui illustre bien la différence philosophique entre l’Homme d’Acier et le Chevalier Noir.
L’affrontement entre Double-Face et le commissaire Gordon, quant à lui, explore habilement la dualité du supervilain. Si le scénario reste discutable, la mise en scène avec des extraits de procès-verbaux apporte une originalité bienvenue .

Dans un tout autre registre, la confrontation entre Robin et Killer Croc oscille entre efficacité et absurdité. Le jeune héros malade et amoindri est un ressort intéressant. Mais l’éternel paradoxe du justicier à double-identité capturé mais jamais démasqué par le méchant finit par lasser.
L’essence de Gotham
L’un des récits les plus marquants est la réconciliation entre Batman et Gordon, enfin réunis après plusieurs albums de méfiance mutuelle. Tout en sobriété, cette courte histoire pleine d’émotion, recentre le propos sur la confiance et l’humanité des personnages.

Du côté de Catwoman, son retour à Gotham avec des données volées à la demande de Batman (au tome 3) se traduit par une originale narration en deux temps : deux chapitres racontent la même histoire de façon légèrement différente, sans pour autant réellement adopter deux points de vues de deux personnages. Une approche qui peut séduire ou, au contraire, laisser une impression de redite ; pour ma part, je reste partagé entre les deux avis.

Enfin, l’histoire préparant la fin de No Man’s Land, où le mystérieux bienfaiteur s’apprête à se révéler, se distingue par son efficacité et son rôle charnière dans la saga.

Une anthologie déséquilibrée
Si ce tome 5 aligne des récits indépendants qui participent à la fresque générale de No Man’s Land, il souffre d’un manque de cohérence et d’un déséquilibre qualitatif frappant. Les ressorts narratifs se répètent depuis le début de la saga, bien que l’idée de quitter Gotham soit plutôt une nouveauté dans cet album.
Une lecture en dents de scie, qui laisse entrevoir le meilleur comme le pire de cette saga ambitieuse.