Mise en contexte
Il y a peu, l’un de mes proche a tenté une expérience ô combien risquée : m’offrir un manga !
En effet, si je suis un amateur de très longue date de la BD franco-belge, et un fan de comics depuis quelques années, je dois dire que j’ai toujours été hermétique aux mangas (alors que j’étais ado lors dans leur grand boom en France, dans les années 90). J’explique cet hermétisme de deux façons :
- Le manque d’occasion réelle de me plonger dans les mangas. En effet, mes parents y étaient réfractaires et peu de mes amis en possédaient.
- Le manque d’intérêt. Plus tard, étudiant puis adulte, j’ai eu l’occasion de croiser des mangas à plusieurs reprises, mais ils ne m’ont jamais attiré. La lecture en sens inverse, le style caractéristiques, le type de narration…
Alors, pour être tout à fait honnête, je me souviens avoir lu 1 ou 2 tomes de Dragon Ball, et sans doute autant de 20th Century Boys (dans les deux cas, piqués à des copains durant des voyages). Et si j’en avais gardé un souvenir plutôt bon, je n’ai jamais eu envie de poursuivre mon voyage en BDs nippones…
…jusqu’à ce que mon premier manga officiel me soit donc offert très récemment. Ainsi, je vous propose de vous partager mes réflexions sur la découverte de ce style de BD dans la suite de cet article.
L’objet livre
L’objet livre en lui-même est nettement plus petit que ce dont j’ai l’habitude (ce n’est pas compliqué : c’est le plus petit ouvrage de ma collection). Un format nettement inférieur aux BD franco-belges, mais également aux comics américains. Je trouve cela dommage, car plus la taille est petite, moins l’on peut en apprécier les dessins. Même si l’on pourrait m’objecter (sans doute à juste titre) que le mangaka adapte justement son dessin au format manga.
La couverture de l’album est souple. C’est assez rare dans ma collection, même si c’est effectivement le cas pour certains comics (low-costs ou importés). D’un point de vue qualité, je ne suis pas très adepte de telles couverture, qui font un peu cheap. Mais d’un point de vue confort de lecture, je dois reconnaitre que le format souple, couplé à sa petite taille, le rend facile à manipuler et à lire, quelques soient les circonstances (dans les transports, avachi sur le canapé…).
Cela peut sembler évident pour les habitués, mais le sens de lecture d’un manga est bien sûr inversé par rapport au sens occidental : l’on commence par la dernière page, et l’on lit de droite à gauche, et de haut de bas, page de droite, puis page de gauche. Je m’attendais à devoir passer par une période d’adaptation, mais étrangement, cela ne m’a vraiment pas dérangé, et j’ai très rapidement changé mes habitudes de lectures françaises. Étonnant, mais agréable !
Enfin, le manga est dessiné en noir et blanc (c’est généralement le cas, même si pas toujours, je crois). Cela ne m’a posé aucune difficulté ; ce n’est pas le premier ouvrage monochrome de ma collection (l’un de mes albums franco-belges préférés, Le Grand Pouvoir du Chninkel, est également en noir et blanc).
Le style du dessin
Ce qui m’attire le moins dans l’univers du manga, c’est sans doute le style de dessin. Alors, bien sûr, on m’opposera (avec raison) qu’il y a autant de styles différents que d’auteurs différents. Mais on ne m’ôtera pas de la tête qu’il y a néanmoins des dénominateurs communs.
Par exemple, le dessin donne parfois l’impression d’avoir été réalisé rapidement (je parle de ressenti, je ne dis pas que c’est la réalité). Cela se voit avec des coups de crayons, des traits qui semblent aller un peu trop loin, ou la manière dont sont délimitées des cases (les quatre cotés des rectangles semblent parfois déborder ou baver)1. D’ailleurs, on observe aussi que les espace entre vignettes sont de largeur variable, sans qu’il n’y ait véritablement de raison.
Les phylactères sont également inhabituels. Tout d’abord, ils ont souvent des formes de polygones quelconques et variables, là où je suis plus habitué à des ovales ou des rectangles réguliers. Mais surtout, les bulles sont principalement verticales ! Cela est certainement dû à l’écriture japonaise verticales. Mais la conséquence, c’est que le texte en français y rentre difficilement : généralement, on trouvera un ou deux mots par lignes. Et souvent, les mots doivent être découpés avec des retours à la ligne, ce qui rend la lecture assez pénible à mon gout. C’est d’autant plus frustrant que de grands espaces blancs sont donc laissés en haut et en bas des bulles. Pour vous donner un exemple, l’un des protagonistes se nomme Hachimaki, mais pendant plusieurs dizaines de pages, j’ai été convaincu que son nom était composé de deux mots séparés par un tiret : Hachi-Maki.
Pour finir sur les bulles, la gestion des onomatopées est assez amusante. Du fait de la forme des phylactères et des onomatopées souvent écrites gros, et celles-ci se retrouvent généralement écrites verticalement (une lettre par ligne), malgré l’alphabet latin ! Il n’est pas rare, également, que les onomatopées fassent partie intégrante du dessin. Dans ce cas, elle restent écrite en langue nippone, tout en étant traduites en français en tout petit.
Mais ce qui me bloque le plus, personnellement, cela reste le design caractéristiques des personnages de manga. Encore une fois, cela varie sans doute beaucoup d’un mangaka à l’autre. Mais on retrouve des points communs avec lesquels j’ai tout de même du mal. D’abord, il y a des yeux qui sont disproportionnés, même sur des morphologies qui se veulent plutôt réalistes. Cette taille des yeux des personnages peut d’ailleurs être variable d’un vignette à l’autre, afin de transmettre des émotions différentes. En parlant de variations, c’est d’ailleurs parfois tout le charadesign qui peut changer pour un même personnages, qui peut être dessiné de manière très différentes d’une case à l’autre (on peut même trouver deux styles différents pour deux personnages au sein d’une même case, cf. image ci-dessous). Malgré plus de 300 pages, c’est quelque chose à quoi je n’ai pas réussi à m’habituer. Enfin, il y a les cases volontairement très exagérées, dans lesquelles les personnages héritent de proportions monstrueuses (au sens propre) ce qui a tendance à me faire sortir du récit.
Sur le fond
Cette partie de l’article sera la plus courte, puisqu’elle touche pratiquement au contenu de l’ouvrage, qui sera propre à chaque album.
Chaque histoire est différente. Il y a autant d’histoire que de conteurs. Et autant de manière de raconter une histoire que l’imagination de chaque conteur peut en concevoir.
Difficile, donc, de tirer des généralités sur les mangas, et d’autant moins d’un unique ouvrage ! Pourtant, il m’a semblé repérer quelques schémas, ou quelques détails qui semblaient inhabituels à mon regard de bédéphile amateur.
Par exemple, la nourriture, quant elle est évoquée ou montrée, est nettement japonaise, alors que le récit se veut international. D’ailleurs, la manière dont est montré le quotidien japonais me semble très traditionnel (repas à même le sol, murs en papier, décoration…) , et donc sans doute beaucoup plus fantasmé que réaliste.
Les noms de nombre de personnages sont également à consonance asiatique. Mais là encore, ça n’a rien de surprenant, quand les personnages de BD occidentale s’appelleront généralement Francis ou Phillip…
Il y a également tous les idéogrammes japonais qui sont intégrés au dessin (comme les onomatopées déjà évoquées, ou des inscriptions faisant partie du décors, par exemple…). Sans être gênant, cela rappelle clairement que nous ne sommes pas dans un comics américain.
Lâchez ces fourches !
En conclusion, vous l’aurez compris, je reste mitigé quand à mon (éventuel) gout pour les mangas. Sans vraiment me rebuter, il y a beaucoup de barrière culturelles et habituelles qui m’empêchent d’en apprécier le contenu, même si j’ai parfaitement conscience que c’est à moi d’y travailler si je veux poursuivre ma découverte de la BD nippone. Néanmoins, face à se constat, je m’interroge : la lecture d’un album ayant pour vocation principale le plaisir, pourquoi travaillerais-je à apprécier (peut-être un jour) un manga, alors que je peux apprécier naturellement un ouvrage plus occidental…?
N’hésitez pas à me faire part (dans les commentaires ci-dessous) de votre découverte à vous du manga ! Comment cela s’est-il passé ? Avec quelles œuvres ? Et n’hésitez pas également à me recommander des mangas, histoire de m’inciter à poursuivre ce premier pas au pays du soleil levant.
- Il est néanmoins possible que ces observations soient dues à une attention particulière de ma part lors de ma lecture du manga, et relevable également dans la BD franco-belge ou américaine.[↑]
Je n’y connais guère plus que toi en manga (j’ai lu Planètes, dont je garde un très bon souvenir, en entier, et… c’est à peu près tout), mais certains points de ton article me font réagir 🙂
Je dirais que je lis peu de mangas pour à peu près les deux mêmes raisons que tu as données au début. Également parce que je lis déjà beaucoup de BD « franco-belge », je découvre régulièrement de nouvelles séries, et ni le temps libre ni la place dans ma bdthèque ne sont infinis.
En revanche, je me sens moins rebutée que toi par le dessin. Moi le style de dessin qui me rebute, c’est celui des comics ! J’imagine que tu me diras qu’il y a énormément de styles différents dans les comics, mais j’y vois quand même « des dénominateurs communs » 😉 avec leur hommes bodybuildés, leurs femmes aux poses pas du tout naturelles censées être sexys et leur colorisation informatisée criarde.
Pour la nourriture japonaise en « contexte international », c’est quelque chose qui t’a interpellé de manière négative ? Je pense qu’on a un peu trop tendance à assimiler « international » à « occidental » voire à « anglo-saxon ». En tout cas je n’ai pas souvenir que ça m’avait tellement marquée quand j’avais lu ce manga.
Cela m’a fait penser à un détail qui m’avait fait sortir de ma lecture dans je ne sais plus quelle BD des mondes d’Aldébaran (de la BD franco-belge bien de chez nous, donc), sans doute Survivants, où à un moment les héros arrivaient dans une sorte de complexe non pas international mais carrément inter-races-extraterrestres, où on voyait des tables et des chaises, sachant qu’ils étaient les premiers humains à arriver là. Déjà que s’asseoir sur une chaise pour manger n’est pas quelque chose d’universel pour des humains, j’avais trouvé cela dommage, un peu paresseux de la part du scénariste, de recalquer ça pour des races extraterrestres.
Tout cela pour dire que ce n’est sans doute pas évident de proposer quelque chose qui ait l’air « international ». On a sans doute naturellement tendance à reprendre ce qu’on a l’habitude de voir au quotidien pour en faire la norme.
Salutations Eldermê ! Ravi de te revoir par ici ! 🙂
Je comprend tout à fait qu’il l’on puisse voir les comics, comme moi-même je perçois les mangas. D’ailleurs, particulièrement dans notre pays, je pense que désormais les comics sont beaucoup plus hermétiques que les mangas. Ce qui n’était sans doute pas vrai dans les années 80, et malgré la vague superhéroïque qui déferle sur le cinéma. D’ailleurs, as-tu toi même déjà essayé de lire un ou des comics ?! (Rappel : le genre superhéroique n’en représente qu’une partie.)
Concernant la nourriture japonaise, ça m’a interpellé, oui. Mais pas de manière négative. J’ai seulement trouvé cela étrange. Disons que je ne trouvais pas cela justifié (contrairement aux jurons chinois employés dans la série de SF Firefly, par exemple, qui me semblent plus crédibles dans l’univers proposé).
Je vois très bien à quoi tu fais référence, effectivement, dans la BD Survivants. Et je suis tout à fait d’accord avec toi sur ce cruel manque d’originalité quant à la proposition qui nous est faite d’un lieu où se côtoient différentes races aliens. Néanmoins, proposer quelque chose qui ait l’air “international” ne me semble pas si difficile : il est sans doute possible de s’inspirer des organisations internationales actuelles bien réelles (ONU, colloques mondiaux, compétitions sportives, ISS…).
J’avais honteusement oublié de te répondre !
Qu’ai-je lu comme comics ? Honnêtement pas grand chose.
Yannick a quelques comics issus de l’univers de Star Wars, en particulier Legacy dont j’avais lu quelques tomes. Je dois avouer que je n’en ai gardé quasiment aucun souvenir à part le nom de Cade Skywalker, ce qui n’est pas très bon signe !
Il a aussi quelques Batman, qui ne m’ont jamais attirée non plus.
J’ai aussi Porcelaine qui est classé en comics et n’a pas de super héros (juste des automates en porcelaine assez flippants). Je ne sais pas si je pourrais dire que j’ai beaucoup aimé, à cause de l’impression de malaise qui se dégage, mais c’était intéressant à lire et l’histoire m’a marquée (alors qu’en général les récits de super héros qui sauvent leur ville/le monde/l’univers/l’Amérique me laissent de marbre).
Pas de soucis ! 🙂
Il y a de trés bon comics Star Wars, et assez accessibles, comme Clone Wars par exemple. A l’inverse, si Legacy est également une trés bonne série, ce n’est vraiment pas un bon point d’entrée ; en tant que point final de l’ancien Univers étendu de Star Wars (Legend), la série demande énormément de connaissances préalables.
Batman, il y a du trés bon et du moins bon… L’idéal pour se faire une première idée, c’est de commencer avec des One-Shots qui se suffisent à eux-mêmes.
Porcelaine, je ne connais pas du tout. Mais la prochaine fois que l’on se croisera, il faudra que je te prête Le Dernier des Dieux. Il y a moyen que ce soit un comics qui te plaise (histoire de fantasy, complète, en 4 tomes).