Nous voilà aujourd’hui avec une bande dessinée assez confidentielle, puisqu’elle fut financée un crowdfunding, au travers d’une campagne Ulule. Cette campagne a d’ailleurs fait l’objet d’une petite polémique en elle-même, car la bande dessinée a mis nettement plus de temps que prévu à sortir (3 ans !). En ce qui me concerne, c’est une polémique qui n’en est pas une, le financement participatif étant par nature très incertain, en particulier en ce qui concerne les délais.
Cet album traite en outre d’un sujet assez complexe, puisqu’il s’agit de l’effondrement très progressif de la civilisation, et de la réaction des gens dans ce contexte, en particulier ce que l’on appelle les survivalistes. Sans en être un moi-même, j’avoue que le sujet m’intrigue, aussi j’avais participé à cette campagne de financement. Toutefois, ci-dessous, je n’aborderai que la bande dessinée elle-même pour ce qu’elle est, à savoir un ouvrage racontant une histoire, sans me perdre en nombreuses conjectures autour du devenir de notre civilisation.
Vue d’ensemble
Alexis est un jeune homme qui réalise des dessins animés sur YouTube. Alors qu’il passe la soirée avec l’une de ses amies, ils sont agressés par des délinquants dans une ruelle sombre. Suite à ce traumatisme, Alexis va entreprendre un cheminement et croiser des personnes qui le mettront progressivement sur la voie du survivalisme : comment se défendre et être résilient à moyen et long terme, alors que l’ensemble de la civilisation se détériore progressivement?
Sans être entièrement à jeter, cette BD est globalement assez moyenne. Le scénario n’est pas extraordinaire, même si compte tenu du thème abordé, on ne pouvait pas forcément s’attendre à des retournements de situation de folie. Toutefois, le rythme est assez mal maîtrisé, avec des segments lents (en particulier la randonnée) et pas forcément intéressants, et d’autres passages qui sont beaucoup trop rapides. Dans l’ensemble, on a quand même du mal à comprendre où l’auteur veut en venir.
Traitement du survivalisme
Une critique de la société couve en filigrane, évidemment, lorsque l’on traite de son effondrement. Cet aspect n’est pas au premier plan du récit, et est traité de manière plutôt maladroite à mon avis. Néanmoins, il permet au lecteur de s’interroger à ce sujet
Sauf erreur de ma part, avec ma maigre connaissance du sujet, il y a deux façons d’aborder le survivalisme.
- La première, souvent associée à l’extrême droite, est une approche très individualiste, en se préparant à l’effondrement de manière totalement autonome, dans sa manière d’assurer sa subsistance, son approvisionnement en ressources, sa défense, etc.
- La seconde, souvent associé à l’extrême gauche, est une approche beaucoup plus communautaire, on parle aussi de résilience ; ici l’idée est d’assurer son autonomie non pas de manière individuelle, mais au sein d’une communauté en répartissant les spécialités, les tâches.
Et à mon sens, ces deux aspects sont abordés dans la bande dessinée, et avec une certaine subtilité. Le stage d’autodéfense, la découverte du stand de tir, se rapprochent plutôt de la première vision ; alors que le jardin communautaire ou la collaboration au sein de la randonnée relève plutôt de la seconde.
Concernant l’autonomie, plusieurs sujets sont abordés :
- La gestion communautaire d’un jardin,
- mais également la gestion individuelle d’une parcelle de terre,
- l’autodéfense,
- la question des armes à feu et de leur libre accès…
Effondrement ?
Certaines idées véhiculées dans la bande dessinée m’ont gênées. En particulier, la question des armes à feu que je viens d’évoquer, même si le positionnement du personnage principal reste flou à ce sujet. Il y a également la question de faire justice soi-même, au travers du personnage rencontré durant la randonnée, dans la première partie de l’album. Néanmoins, encore une fois, il faut remettre la BD pour ce qu’elle est, à savoir une BD ! Ces points ne me dérangent pas lorsque je lis du Batman, alors pourquoi en serait-il foncièrement différent ici ?
À titre personnel, je me demande si la notion d’effondrement n’est pas à prendre sur deux niveaux de lecture. Il y a bien sûr l’effondrement de la civilisation bien que celui-ci soit finalement très peu présent dans la bande dessinée. Mais il y a également l’effondrement du protagoniste, que ce soit du point de vue psychologique, mais également sur ses illusions.
En pratique, soyons clair, la bande dessinée nous détaille le parcours d’Alexis, et ne traite absolument pas de la manière dont la civilisation s’effondre. Toutefois, l’évolution du protagoniste est plutôt maladroite. On a du mal à cerner sa personnalité de départ, et donc son évolution est difficile à cerner.
La couverture de l’album est d’ailleurs assez mensongères ! En effet elle montre un monde post-effondrement, alors que les péripéties de la BD n’abordent que les prémices de l’effondrement en question, et suit plutôt le parcours individuel du protagoniste.
Le dessin
Le dessin est plutôt bon. Chaque personnage est très reconnaissable. Et j’aime beaucoup la manière dont sont représentées les ombres, en utilisant « simplement » les aplats de deux nuances d’une même couleur. Les proportions sont bonnes, et certains paysages sont simplement magnifiques !
En revanche, certains détails sont parfois mal gérés. Par exemple, la main gauche du protagoniste sur la couverture semble avoir un problème entre la largeur de sa pomme, et la largeur cumulée de ses quatre phalanges. Les scènes d’action sont également assez illisibles je trouve, en particulier la scène d’agression au début du récit.
J’en parle très rarement dans mes critiques, mais dans cet album, la typographie m’a un peu surprise. En effet, celle-ci est assez grosse, donnant l’impression que les personnages crient en permanence. Sans gêner fondamentalement la lecture, ce point est néanmoins légèrement perturbant.
Grosse surprise pour ma part, cette histoire est à suivre ! Et le cœur de l’action ne commence réellement que dans ses dernières pages. Néanmoins, difficile de dire si l’objectif est de nous décrire un effondrement crédible, ou si celui-ci n’est qu’un prétexte pour les réflexions de l’auteur, et donc du personnage principal.
En conclusion, un ouvrage auquel j’ai du mal à adhérer, mais qui fait s’interroger. Et est-ce que ce n’est pas préférable à son inverse…?
