Gaston Lagaffe fait sans aucun doute partie des très grands classiques de la BD franco-belge, juste derrière les Tintin, Astérix, Lucky Luke, Boule et Bill ou les Schtroumpfs… En ce qui me concerne, il fait partie de mes personnages de BDs fondateurs ! Héros gaffeur créé par Franquin (également créateur du mythique Spirou ainsi que du Marsupilami, qui partagent en fait un univers fictif commun), écologiste avant l’heure, inventeur improbable, en décalage complet avec son environnement, j’ai toujours adoré ses albums1, constitués la grande majorité du temps de gags en une page.
Pourtant, les gags s’étaient terminés avec la mort de son auteur originel, dans le courant des années 90. Et il semblait peu probable que Gaston réapparaisse un jour. Pourtant, après de multiples affaires de droit qui ne m’intéressent franchement pas, et à l’instar de Blake et Mortimer (à qui cela a réussi) ou les Schtroumpfs (avec une réussite plus contestable), Lagaffe est donc de retour en 2023 sous une nouvelle plume !
J’imagine que cet album s’est retrouvé sous nombre de sapins de noël à la fin de l’année 2023. Rien que dans ma famille proche, il a été déballé en triple… dont l’un des exemplaires m’était donc destiné !
Et ce fut avec un grand plaisir que j’ai découvert les nouvelles aventures du gaffeur le plus célèbre de la francophonie ! L’album est trés clairement dans la même veine que les albums de Franquin, tant sur le fond que sur la forme.
Le fond
Concernant les gags et l’univers de Gaston, nous sommes totalement en territoire connu. Nous retrouvons ainsi la galerie de personnages savoureux des éditions Dupuis ouù sévit Lagaffe (Prunelle, Lebrac, M’oizelle Jeanne, Longtarin, De Mesmaeker, Jules de chez Smith en face…) mais également tout ce qui compose son univers (sa voiture, le gaffophone, le chat et la mouette, et même le vieux « Gaston en latex »….). Seul l’océan de courrier en retard manque peut-être à l’appel. Toujours figé dans les années 70, on oubliera nos technologies modernes, en particuliers celles de l’information, pour revenir aux bon vieux postes cathodiques, parcmètres et autres téléphones à cadran rotatif. Dans la lignée directe de Franquin, les gags font mouche presque à tous les coups, alternant les comiques de situation, l’absurde, les jeux de mots, avec en petite nouveauté des allusions à notre mode contemporain des années 2020 mais toutes en subtilités (Spiderman, les smartphones, la voiture électrique, le COVID…).
Le personnage de Gaston, comme évoqué, reste également fidèle à lui-même. Eternel gaffeur, inventeur de génie, précurseur de l’écologiste, amis de tous (au désespoir de cette pauvre Jeanne), mais frisant parfois l’autisme tant il semble ne pas comprendre le monde qui l’entoure. D’une certaine manière, et pour la première fois, je me suis fait la remarque que Gaston est en réalité un génie inadapté : qui dort la journée et invente la nuit…
La forme
La réalisation des dessins est tout simplement bluffante ! Sans être un expert, je ne fais vraiment aucune différence entre les dessins de Delaf, et ceux de Franquin des derniers albums. Le résultat est proprement saisissant ! J’ai véritablement été très impressionné sur ce point.
J’ai évoqué les éléments connus réemployés dans un album, mais certains éléments nouveaux sont introduits dans cet album, avec intelligence. J’ai en particulier noté l’apparition d’un ami de Gaston qui tente de vendre ses dessins (a priori totalement hideux) ; cela me semblait être une nouveauté, mais il semble que c’est en fait un réemploi d’un personnage tertiaire, apparaissant dans quelques gags de Franquin 2. Le personnage du voleur, dans le dernier quart de l’album, est également un ajout à l’univers de Gaston.
Autre personnage notable : le retour de Fantasio (l’ami inséparable de Spirou) qui était autrefois la principale victime des gaffes de Gaston, avant d’être remplacé par Prunelle. Ce dernier étant victime de burn-out, Fantasio vient le relayer un temps, pour le plus grand plaisir des lecteurs qui renouent avec un duo datant des premiers albums de Gaston.
Emancipation ?
Je me dois toutefois de souligner que les dernières pages sont relativement étonnantes : elles sont constituées d’une série de gags continus qui forment une historiette complète d’environ 10 pages. Sauf erreur, il me semble que c’est une première pour Gaston ?! On y découvre un antagoniste inédit, le voleur déjà évoqué plus haut, ainsi qu’une réutilisation plutôt intelligente d’éléments issus des gags précédents de l’album.
Cette nouveauté sera peut-être clivante pour les afficionados les plus acharnés de Gaston. Mais pour ma part, j’ai tout à fait apprécié l’initiative.
Deux aspects m’on néanmoins dérangés dans ce petit arc narratif :
- La dépression de Prunelle, déjà amorcée plus tôt dans l’album, a ceci de dérangeant qu’elle peut rappeler des situations tragiques de la vie réelle. En outre, l’on a du mal à comprendre comment il pourra se tirer de ce burn-out qui n’est pas nommé (et au demeurant, on ne comprend pas comment il y parvient de fait).
- Plusieurs vignettes montrent l’ensemble de la rédaction totalement saoule… Si le gag n’est pas mauvais en soit, il ne me semble pas être raccord avec l’univers plus doux, burlesque et enfantin de Gaston.
Conclusion
Sans aller jusqu’à dire que ce 22eme album de Gaston Lagaffe est un parfait chef-d’œuvre, il s’agit d’une reprise très réussie d’un monstre sacré du 9eme art, que je n’attendais vraiment pas, mais que j’ai adoré lire.