Le Voyage du Héros (1/3) : Qu’est-ce que c’est ? Les concepts

Savez-vous ce qu’est le « Voyage du Héros » ? Mais si, vous le savez ! Vous l’avez déjà croisé de nombreuses fois. D’une certaine manière, peut-être l’avez-vous même déjà vécu (ou êtes en train de le vivre) vous-même.

Dans cet article et les suivants, je vous propose de vous embarquer dans ce voyage aux origines mythologiques…

Qu’est-ce que le monomythe ?

Le « Voyage du Héros », que l’on appelle aussi souvent « Monomythe », est une structure narrative supposée être commune à un très grands nombre de mythes ou histoires, qui n’en sont que des variations plus ou moins profondes. Elle propose de considérer un récit autour de divers éléments, le principe général étant le suivant :

Le héros est un personnage installé dans une situation initiale qui ne lui convient pas. Il sera alors appelé à l’aventure pour découvrir tout un univers qu’il ignorait. Désormais chargé d’une quête initiatique, il se formera auprès d’un mentor et rencontrera des alliés, mais se heurtera aussi à de nombreux ennemis et péripéties. Il finira par affronter son adversaire ultime, avant de revenir au pays transformé.

Soulignons que si le monomythe s’applique très bien à une grande fresque aventureuse (fantastique ou non), il peut également s’appliquer à des récits beaucoup plus intimistes, comme une romance ou une comédie de mœurs.

Décrit de manière très générale ci-dessus, nous reviendront en détail sur les aspects du monomythe plus bas, assortis de nombreux exemples.

Quelles sont ses origines ?

Le monomythe fût à l’origine identifié par le professeur et écrivain américain Joseph Campbell. Dans son livre « Le Héros aux Mille Visages » ¹ publié en 1949, il souligne de nombreux points communs émergeant dans son étude de diverses mythologies provenant de civilisations tout aussi diverses. Il propose de les rassembler dans une structure commune, comme un squelette sous-jacent à l’ensemble des récits initiatiques depuis l’aube du monde. Selon lui, toutes ces histoires suivent un même schéma, avec les mêmes étapes, concepts et archétypes…

Je dispose moi-même de l’ouvrage de Campbell… J’ai essayé de le lire… Et c’est loin d’être évident ! Le style est universitaire, très formel, hermétique. J’avoue ne pas avoir tenu longtemps.

C’est sans doute un avis qu’a également partagé Christopher Vogler. Scénariste et consultant à Hollywood, il a lu « Le Héros au mille et un visages » et a (semble-t-il) même rencontré Campbell. Il en a résumé une courte note de 7 pages, rédigée en 1986 ², dans laquelle il résume l’essence du monomythe pour son usage propre ainsi que pour ses collègues scénaristes. Pour le coup, ce document sobrement intitulé « Un guide pratique au Héros aux Mille Visages de Joseph Campbell« , je me le suis procuré et je l’ai lu. Plus tard, Vogler étoffera sa réflexion et publiera un livre « Le Guide du Scénariste » (titre un poil pompeux) reprenant et détaillant le monomythe.

Si dessous, je vous propose d’évoquer ensemble les quelques concepts principaux qui sous-tendent le « Voyage du héros », avant d’entrer ensuite dans le vif du sujet.

Les archétypes

Les archétypes sont des rôles récurrent qu’on l’on peut retrouver d’une œuvre à l’autre. Bien sûr, les personnages sont différents, mais leurs fonctions et attributs demeurent dans la plupart des cas.

Je reviendrai plus tard sur cette notion d’archétype de manière plus générale. Mais dans le cas du monomythe, voici les archétypes que l’on retrouve généralement…

Le Héros

Il s’agit du personnage principal que le récit va suivre, et qui expérimente le voyage initiatique. Protagoniste central, moteur de l’intrigue et du changement, l’archétype du héros se distingue par son courage, son initiative, et veut prouver sa valeur.

L’Ombre

L’archétype de l’ombre correspond à l’antagoniste principal du récit. Le héros devra en venir à bout pour réussir sa quête. Généralement animé de mauvaises intentions, l’ombre est avant tout un frein au changement que tentera d’apporter le protagoniste principal. Souvent, l’ombre a un lien intime avec le héros (ne serait-ce que symboliquement).

Le Héraut

Personnage plus anecdotique mais néanmoins important, l’archétype du héraut correspond au personnage qui va lancer l’aventure, appeler le héros, bousculer l’équilibre de sa vie actuelle.

Le Mentor (ou sage)

Protecteur bienveillant, motivé par le partage de son savoir, le mentor accompagne le héros sur la longue route de son aventure, en prenant soin de le faire progresser. L’archétype du sage est un expert, un professeur, qui d’ailleurs n’enseigne pas qu’au héros. Il a également le rôle de conscience et porte des principes moraux forts.

Le Gardien du Seuil

L’archétype du Gardien du Seuil peut être un personnage, mais également un évènement ou un autre élément de la narration. Ni vraiment bienveillant, ni malveillant, il vise à éprouver le héros et vérifier ses motivations et ses capacités avant de se lancer pleinement dans l’aventure. Il peut livrer des informations, ou encore devenir un allié du héros par la suite.

Les alliés

L’archétype de l’allié peut regrouper plusieurs personnages. Ils seront des soutiens indéfectibles du héros et l’aideront dans sa quête en mettant à contribution leurs compétences et leurs connaissances (sans pour autant réellement les partager).

Le Métamorphe

Peut-être le plus difficile à cerner, l’archétype du métamorphe propose un personnage dont la loyauté est incertaine. Sournois, manipulateur, pouvant trahir (plusieurs fois, et dans plusieurs directions), il est doté d’une personnalité changeante et vise à faire évoluer les personnages.

Le Bouffon (ou filou)

Le bouffon est généralement d’humeur joviale et apporte une touche humoristique au récit. Vivant l’instant présent et profitant de la vie, l’archétype du filou dissimule généralement sa vraie nature.

Notons que d’une œuvre à l’autre, il est tout à fait possible qu’un archétype disparaisse, ou que plusieurs fusionnent. Dans certains cas un peu limites, on peut parfois aussi considérer qu’un archétype est tenu par un élément de l’histoire qui n’est pas un personnage ⁴

L’Elixir

L’élixir symbolise l’objet de la quête du héros.

Il peut s’agir d’un objet bien physique, mais il couvre plus souvent un concept plus large, tels que de nouveaux pouvoirs, de nouvelles connaissances. En sa possession, le héros est transformé, renverse l’ombre et peut rentrer chez lui en y rapportant des changements bénéfiques.

Les deux mondes

Le « Voyage du héros » prend la forme globale d’un aller-retour, une boucle, entre le Monde Ordinaire et l’Autre Monde. Notons que l’aller prend beaucoup plus de place dans le récit, que le retour. Il peut s’agir d’espaces géographiques distincts (souvent), ou plus symboliquement champs de connaissances très différents.

Le Monde Ordinaire – Il s’agit de l’environnement initial dans lequel l’on trouve le héros. Il y est à sa place, mais n’est néanmoins pas satisfait et aspire parfois à y échapper. Il se compose de divers éléments, lieux et personnages qui sont bien connus du héros ; néanmoins, ils pourraient être améliorés ou changés.

L’Autre Monde – Domaine totalement inconnu du héros, le mentor y sert souvent de guide. Jonché de nombreux dangers mais aussi de futurs amis, c’est un endroit que le héros devra explorer pour évoluer en lui-même, mais également traverser de nombreuses péripéties, et y trouver l’élixir.

Notons que dans mes exemples précédents, le monde ordinaire est finalement un tout petit sous-ensemble de l’autre monde. Le héros ignore ainsi dans quel univers il vit vraiment…

Nous le reverrons dans le détail des 12 étapes du Voyage, mais le monomythe s’imbrique très bien avec une structure en 3 actes. Ainsi :

• l’acte I nous dépeint le héros dans le Monde Ordinaire et le lancement de sa quête ;
• l’acte II détaille son exploration de l’Autre Monde jusqu’au climax ;
• l’acte III narre son retour dans le Monde Ordinaire avec l’élixir.

Interlude

Je vous propose de nous arrêter là pour cet article.

Notre paquetage est fermé et étanche, nous avons cartes et boussoles… Dans l’article suivant, nous explorerons en détails les 12 étapes du « Voyage du Héros », le cœur du monomythe.

1. Amusant : il n’a que 1000 visages en VO, mais 1001 en VF ! J’ai préféré garder ici une traduction littérale du titre en VO.[↑]
2. Dans sa note, il indique que Campbell a actuellement 82 ans, et celui-ci est né en 1904.[↑]
3. Je sais, il n’apparait que dans le second film.[↑]
4. Même si personnellement, je n’approuve pas toujours ce point de vue.[↑]