Les Yeux du Marais

Les Yeux du Marais

Ce recueil de petits contes, édité dans le courant des années 1980, se classe dans la même collection que l’album La Tchalette (que j’affectionne particulièrement). Et de fait, il lui ressemble beaucoup sur la forme : on y trouve nombre d’historiettes explorant le folklore et les mythes du moyen-âge, là où l’album précédent se cantonnait au début du XXème siècle.

La préface, poétique et sympathique, met directement le lecteur dans l’ambiance en évoquant la mythologie de l’occident médiéval. Elle mentionne en particulier la forêt proche (sous bois connus et exploités des habitants de l’époque) de la forêt lointaine (source de légendes et de craintes). Et de fait, c’est avec plaisir que j’ai vu ressurgir au détour des pages de l’album nombre d’éléments du folklore de mes contes d’enfances :

Créatures légendaires :

  • Vouivre & vipères,
  • Corbeau savant,
  • Creatures du marais,
  • Sanglier solitaire…

Personnages inquiétants :

  • Barde mage,
  • Sorcière…

Objets magiques :

  • Pipeau,
  • Diadème,
  • Pierre précieuse…

Lieux ensorcelés :

  • Marais,
  • Foret profonde,
  • Royaume des fées…

Autant de grands classiques, rassemblés dans une magie douce mystérieuse et envoutante, que l’on retrouve au travers de cette anthologie de 10 mini-récits. Je vous en propose un très rapide passage en revue ci-dessous. Notez que ceux-ci sont rassemblés en parties, de manière néanmoins assez artificielle.

Partie « Sortilèges »

Les mille florins

En quatre pages, ce premier récit reprend simplement le conte du joueur de flûte de Hamelin, plutôt célèbre même si je ne le connaissais pas bien moi-même. La ville de Hamelin étant envahi de rats, un étrange musicien se présente à la mairie et propose de charmer l’ensemble des rats, afin de les éloigner. Il demande 1000 florins pour son service.

Avec un dessins plutôt classique, et un peu passé, l’histoire (simple) se suit tranquillement, portée par un charadesign bien affirmé mais des décors parfois vides ainsi que des cartouches trop verbeux. Quelques compositions sont néanmoins bien pensées, avec en particulier un bonne utilisation de la multitude des rats.

Note : 5 sur 10.

Sortilège

Deux paysans traquent une chouette maudite, responsable de la perte de plusieurs de leurs animaux.

Beaucoup moins verbeuse que la précédente, cette courte histoire est presque muette, et introduite par une longue séquence contemplative. Sans enjeu ni véritablement de sens, elle est plutôt à considérer comme une légende pour (se faire) frissonner au coin du feu.

Note : 7 sur 10.

Le rire du corbeau

Le Seigneur de Stolzeneck part aux croisades, laissant en son château sa jeune sœur et son étrange corbeau. Mais bientôt, un seigneur voisin prétend épouser celle-ci, quoi qu’il en coûte…

Cette troisième histoire est un peu plus longue que les précédentes, mais déçoit : scénario plat et linéaire (avec parfois d’étranges raccourcis de temps ou de lieux) et les dessins présentent des défauts comme des visages parfois déformés. Pourtant, la lecture n’est pas désagréable, avec de noirs corbeaux inquiétants à souhait…

Note : 5 sur 10.

Partie « Envoutements »

Les yeux du marais

Un chevalier traverse d’inquiétant marais, tandis que d’étranges murmures (intérieurs ?) tentent de l’en dissuader.

Prends garde voyageur… Ces lieux sont maudits… Maudits !

Prends garde voyageur… On ne défie les esprits du marais…

Nul ne revoit jamais ceux qui s’y risquent.

C’est cette histoire très courte qui donne son nom à l’album. Très similaire à la seconde légende du recueil, elle parvient néanmoins à installer une atmosphère très glauque en seulement 4 pages. L’on regrettera toutefois les murmures en écriture cursive, pas très lisibles… (défaut déjà relevé dans Isabelle, de la même collection)

Note : 6 sur 10.

La vouivre

Brallus et Tonneau sont deux brigands de grand chemin. Un jour, ils aperçoivent une séduisante jeune fille au front ceint d’un diadème serti d’un rubis, se baignant dans un étang…

Si le ton est différent, le scénario est de nouveau assez similaire au récit précédent, tout en introduisant une nouvelle créature maléfique (au look curieusement oriental).

Note : 6 sur 10.

Le royaume des oubliés

Le jeune seigneur Jehan de Froidmond poursuit sans relâche un terrible sanglier… Au cours de la traque, l’animal le charge et l’envoie dans un lieu bien singulier, inconnu, suspendu hors du temps.

Une historiette rapide, tragique mais plaisante, évoquant un peu le dernier acte de Isabelle, encore. Son contenu, jusqu’à sa conclusion, rappelle énormément le second court récit du tout premier tome de Thorgal. Peut-être mon récit préféré du recueil.

Note : 8 sur 10.

Blanche biche

Femme le jour, biche la nuit… La triste jouvencelle est condamnée à être chassée chaque nuit par son propre frère, seigneur du château voisin…

Le dessin est joli, mais cette histoire anecdote tient réellement dans les 2 phrases ci-dessus.

Note : 3 sur 10.

Le piège

Sur les instructions d’un mystérieux narrateur, un chasseur s’enfonce dans les profondeurs de la forêt, en chasse de la mythique licorne.

De nouveau une histoire courte surtout contemplative (en particulier les premières pages) narrée par une écriture cursive assez malheureuse, parfois en noir sur fond bleu sombre… Pourtant, je l’ai appréciée ; le mélange de sauvagerie et de sensualité fonctionne bien, avec une jeune fille totalement splendide. Et si la conclusion est convenue, l’on retrouve avec une certaine nostalgie les éléments classiques (mais souvent oubliés) de la légende de la licorne : la dangerosité de l’animal, son habitat forestier, son lien avec la virginité…

Note : 8 sur 10.

La main du Diable

Récit de chasse d’un comte cruel et prétentieux, prétendant tuer un magnifique cerf sauvage, au risque de violer certaines lois sacrées.

Un récit qui reprend encore la structure de plusieurs histoires précédentes. La fatigue ressentie par l’animal est très bien rendue par le dessin. Le deus diabolicus ex machina final laisse quand même perplexe…

Note : 4 sur 10.

Angor le loup

Angor est un braconnier. Trahi par un homme de son village, il est roué de coups et laissé pour mort par le seigneur de Marchemin. Mais ayant survécu, Angor réclame vengeance…

Une petite histoire convenue qui présente toutefois l’originalité de ne pas contenir de magie (tout juste à la limite de l’étrange). Le lore de ce dernier conte est plus fouillé que les récits précédents (en particulier grâce nombre relativement élevé de personnage), ce qui fait que l’on a presque envie d’en savoir plus sur le devenir d’Angor…

Note : 5 sur 10.

En conclusion, mon avis général est plutôt mitigé. Cette anthologie est une compilation plaisante aux graphismes agréablement désuets, explorant nombre d’éléments du folklore et des légendes médiévales (lieux, créatures, archétypes…) désormais largement connus du grand public1. Toutefois, ces éléments ne sont ni questionnés, ni réinterprétés, ni vraiment approfondis ; aussi, c’est une large impression de déjà-vu et une absence flagrante d’originalité qui ressort des scénarii.

Pourtant, c’est bien là le but de ce recueil : revenir aux mythes et légendes d’origine, en faisant fi de la profusion de réinterprétation que la fantasy plus ou moins moderne en a fait. Et force est de constater que le résultat n’est finalement pas désagréable.

A lire tranquillement, au coin du feu, un soir d’hiver, devant un bol de bouillon…

  1. Ce qui n’était pas le cas de la Tchalette, anthologie pourtant conçue sur le même principe.[]

Notes

Scenario : 2 / 10
Dessin : 7 / 10
Ambiance : 8 / 10
Note moyenne : 5.7 / 10

En savoir plus sur l'album...

Album : Les Yeux du Marais

Type de BD :

Editeur :

Collection :

Parution : octobre 1985

Taille : 50 pages

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