Dans une réalité alternative, la ville de New Harlem est aux mains de la population noire, une suprématie assurée par le Black Order, descendant des Blacks Panthers. La majeure partie de la population blanche vit recluse dans des ghettos insalubres. C’est dans l’un de ceux-ci que fut repéré le petit Zack, gamin blanc doté de pouvoirs de prescient, capable de voir l’avenir par intermittence. Soustrait à sa famille en même temps qu’à la misère, il fut adopté embauché par une grande multinationale. Mais maintenant que ses visions deviennent incohérentes et absurdes, Zack a de quoi s’inquiéter de son statut dans sa société… et dans la Société.
Faisant partie intégrante de l’univers développé par Uchronie[s] (autres critiques ici), New Harlem nous propose donc une société américaine où les couleurs de peau sont inversées dans les catégories socioprofessionnelles. Les différences entre blancs et noirs me semblent même caricaturées par rapport à ma (très maigre – je le reconnais) connaissance du sujet. Une réalité alternative propice pour que les auteurs y développent des discours sociaux et/ou politique plus ou moins inspirés… ce qu’ils ne font justement pas. Ce premier tome suit la trajectoire de Zack, qui monopolise le récit. Et si des pistes de réflexions intéressantes sont abordées concernant la pauvreté (et sa perception par les hautes classes) ou la reproduction sociale, elle sont décorrélées de réflexions sur le racisme. Est-ce une qualité ou un défaut ? J’opterai pour la première option ; car l’univers de Uchronie[s] propose avant tout des thrillers sur fond de SF, et non des réflexion sociales vraiment poussées.
Ce premier tome de New Harlem nous fait donc (re)découvrir une version alternative de Zack. Prescient capable de capter des bribes d’avenir, ses talents sont employés par une multinationale (au demeurant assez peu développée) ; une approche intéressante et différente de New Byzance où il était un rouage dans l’appareil politique, ou New York où il est surtout un cobaye. Le scénario est plutôt bien ficelé, et maintient en haleine du début à la fin, malgré une ou deux grosses facilités. On pourra en effet regretter des coïncidences qui, si elles sont cohérentes d’une réalité à l’autre, le sont beaucoup moins au sein d’une unique réalité. Comme évoqué plus haut, ce tome 1 ne fait que survoler les personnages secondaires, tels que Brown (le mentor intéressé), Graziella (l’amante tordue) ou encore Miller (le médecin corrompu), une observation qui ne m’est toutefois pas apparue comme véritablement un défaut.
Niveau dessin, je dois reconnaitre que je n’accroche pas vraiment. Le trait et assez nerveux, mais certains visages ou certaines perspectives m’ont semblé beaucoup trop déformées pour n’être qu’un effet de style assumé. L’ambiance générale de New Harlem fonctionne bien, mais je regrette quelques passages (la boite de nuit, la nuit entre Zack et Graziella) et quelques personnages (Graziella) sexualisés à outrance, sans apporter grand chose au récit dans son ensemble.