Batman continue à déployer ses alliés pour améliorer très progressivement l’état de Gotham en se focalisant sur les ressources à récupérer ou conserver.
Ainsi, tandis que Batgirl a pour mission de sécuriser du carburant, Robin enquête dans les souterrains, tandis qu’Azrael défend un hôpital de fortune. Et le Chevalier Noir lui-même s’intéresse au quartier chinois de Gotham qui semble mystérieusement bénéficier d’électricité.
Mais aussi désespéré que cela puisse paraître, le No Man’s Land n’a jamais autant été en danger… Bane, tout d’abord, a entrepris d’y entrer avec de mystérieuses intentions. Mais surtout, le grand absent de cette saga fait enfin son apparition : le Joker ! Il entreprend de se lancer dans la guerre des gangs qui fait rage dans la cité en ruine depuis des mois !

Chroniques d’un survivant de Gotham
On pensait que Gotham était déjà tombée au plus bas. Qu’il n’y avait plus rien à perdre. Mais quand le Joker débarque avec une toute nouvelle Harley Quinn, on comprend vite que l’enfer a encore des profondeurs inexplorées. Moi ? Je ne suis qu’un survivant parmi d’autres, un fantôme errant dans cette ville post-apocalyptique qui était jadis une métropole florissante. Et ce quatrième acte du No Man’s Land me fait me demander si Batman a encore une chance de nous sauver…
Un chaos sans inspiration
Chaque jour ici est une lutte. Je vois Batgirl s’aventurer pour récupérer du carburant face à des hordes de hooligans, Robin creuser dans les entrailles de la ville pour trouver des conserves, tandis qu’Azrael veille sur l’hôpital de fortune du Dr Thompkins1. Mais si cette survie forcée maintient un semblant de tension, je ne peux m’empêcher de me demander : où est la nouveauté ? Cette histoire semble répéter les mêmes ficelles que le tome précédent. Une quête de ressources ici, une lutte de territoire là-bas (même si elles sont encore aussi négligeables dans ce tome que dans le précédent), et toujours le même sentiment de stagnation.
Et puis, il y a Chinatown, qui permet de conclure cet album. Un coin de la ville qu’on aurait pu croire oublié. Là-bas, sous le vernis de la désolation, se joue une histoire de migration et d’esclavage moderne. Une réalité brutale, touchante et tragique, qui aurait pu apporter une véritable profondeur au récit, si seulement elle n’était pas traitée de manière aussi convenue.

Les figures de Gotham : entre caricatures et éclaircies
Certains visages marquent le No Man’s Land. Batgirl, silencieuse, mutique mais déterminée, trouve enfin sa place. Robin, malade et affaibli, lutte tant bien que mal dans un combat que l’on ressent difficile. Tandis qu’Azrael reste cet énigmatique chevalier maudit taciturne, oscillant aux frontière (voire au-delà) du mysticisme. Mais d’autres, eux, déçoivent.
Harley Quinn, que beaucoup attendaient, fait une entrée en scène digne de sa réputation dans l’univers DC Comics. Son humour noir fonctionne, et le flashback explorant son passé avec le Joker utilise habilement une narration en décalage entre ses propres perceptions et la réalité. Pourtant, son intrigue reste assez prévisible. Et le Joker ? Son retour, tant attendu, se perd dans une histoire d’élections absurdes qui ne mène finalement nulle part…
Bane, quant à lui, revient avec des motivations si floues qu’on peine à comprendre son intérêt dans cette affaire. Mr. Freeze, habituellement porteur d’une certaine mélancolie tragique, se révèle ici lourdaud et mal écrit. Quant à Lynx, son rôle de super-vilaine asiatique ne va guère plus loin que la caricature même si l’on devine un peu de potentiel (le personnage fait penser à Lady Shiva). Dans les ruines de la cité, notez que l’on rencontre d’autres personnage subsidiaires, tels que le Chasseur de Rats, Mecaborg et Tommy Mandles, des supervilains de seconde zone qui gravitent principalement autour de Robin.
Un dessin en perte de vitesse
Dans Gotham, tout tombe en ruines. Et visiblement, c’est aussi le cas du dessin dans ce tome. Plusieurs issues semblent avoir été réalisées dans la précipitation : des décors absents, des visages simplifiés, des proportions discutables. Tout n’est pas à jeter, bien sûr, et certaines pages parviennent à capter l’intensité du chaos environnant. Une scène notamment, où Batman plane au-dessus de la ville, s’accompagne d’une série de petites vignettes qui décomposent son enquête. Malheureusement, ces moments d’éclat sont trop rares.

Et puis, il y a les costumes. Azrael, fidèle à lui-même, reste engoncé dans une tenue toujours aussi excessive. Lynx arbore un costume qui parvient à être moins sexy et plus vulgaire que ceux de Catwoman.
A propos de Catwoman, l’avez-vous aperçue récemment ? Protagoniste principale des dernières issues du tome précédent, la suite de son arc était pourtant annoncée dans cet album !
No Man’s Land en bout de course ?
Alors que je déambule dans les rues en ruines, j’ai cette pensée qui me traverse l’esprit : jusqu’où ira cette saga ? Batman: No Man’s Land avait tout pour être un arc marquant du comics post-apocalyptique, mais ce quatrième tome peine à régénérer son intérêt. Les scénarios se répètent, les personnages évoluent peu et même le dessin semble s’essouffler.
Si vous êtes un inconditionnel de DC Comics et que vous souhaitez compléter votre collection, vous trouverez peut-être de quoi vous satisfaire. Mais pour les autres, ce tome pourrait bien ressembler à un No Man’s Land créatif dont il est difficile de s’extirper.
- Citoyenne de Gotham mais personnage emblématique de la mythologie de Batman : c’est elle qui s’occupa du jeune Bruce Wayne aprés le meurtre de ses parents.[↑]