Synopsis
A la fin du XIXème siècle, les humains ont commencé à s’élever dans l’espace. Les stations spatiales se multiplient ; les trajets vers la lune commencent à être monnaie courant (puisque que des villes commencent à s’étendre sur le satellite naturel de la terre) ; et même Mars est en cours d’exploration. Mais la conquête spatiale n’a pas que des bons côtés. Et si la plupart des astronautes sont encore vu comme de courageux pionniers, certains d’entre eux sont relégués aux besognes les moins glorieuses… comme ramasser les déchets divers qui menacent la sécurité des vols spatiaux.
Ainsi, c’est l’équipage d’une antique navette que nous suivons : le vétéran laconique Yuri, la pilote téméraire Fi et l’intrépide Hachi (rejoins plus tard par l’ingénue Tanabe) ont pour mission de récupérer les débris les plus gros avant qu’ils ne causent de graves dégâts.
Entre missions réussies ou ratées, actes héroïques, convalescences forcées, liens familiaux conflictuels, rares vacances terriennes et rêves lointains… le lecteur est invité à suivre le quotidien de ces astronautes. En particulier, le récit s’attachera au jeune Hachi dont le rêve est de participer au futur voyage vers Jupiter, ses missions lui permettant d’engranger suffisamment d’argent et d’expérience pour posséder sa propre navette un jour.
Un manga ?!
Ce manga m’a été offert en cette fin de 2022, par un proche qui me savait grand mateur de BD et comics, mais complètement hermétique aux mangas. Il s’agissait d’une expérience (tant pour lui que pour moi), et je vous propose de vous détailler ma découverte de l’univers de la BD nippone dans un autre article dédié. Ici, je me cantonnerai à essayer de vous donner mon avis sur l’œuvre, et non le média.
En trois actes axes
Comme vous le savez sans doute, sur ce blog, j’emploie 3 axes pour manifester un avis sur une BD : le scénario, le dessin, et l’ambiance générale qui se dégage de l’œuvre. Vous retrouvez ces trois aspects à la fin de chaque critique, sous la forme d’une note sur 10.
Je ferai donc preuve d’une absence totale d’originalité dans cette critique, en reprenant simplement chacun d’eux :
Le scénario
A la manière des comics, auxquels je suis beaucoup plus habitué, le présent ouvrage de plus de 350 pages contient en réalités plusieurs chapitres (nommés « phases »). Chaque phase d’une quarantaine de pages propose une histoire assez indépendante des autres, bien qu’une chronologie générale existe bien en arrière-plan. Chacune va s’attacher à un personnage différent (souvent Hachi, mais pas toujours), soumis à une situation nouvelle.
Ainsi, ce premier tome (d’une édition qui en compte 3) ne propose pas un récit complet menant d’un point à un autre, mais plutôt une succession de tranches de vies de notre équipage hétéroclite, un peu à la manière d’une anthologie. Et si les personnages sont plutôt bien caractérisés, tout en présentant une évolution progressives, les situations présentées dans chaque phase sont elles assez disjointes et plutôt déroutantes. Ainsi, on peut passer du deuil de Yuri1 à la convalescence de Hachi2 puis à une sorte de phase gag-uesque sur Fi qui cherche à fumer une cigarette par tous les moyens.
Notons tout de même que le vol vers Jupiter, qui apparait au cours de l’album, prend progressivement de l’importance et deviendra sans doute un enjeu (voire le fil rouge principal) des prochaines phases.
Mais si je n’ai absolument rien contre les anthologies (je suis par exemple un immense fan des Chevaliers Dragons) et si les personnages ne sont pas inintéressants, je n’ai pas réussi à les trouver attachants. Or, c’est bien sur cet attachement que compte l’auteur pour porter son récit. J’ai donc eu du mal à y adhérer, et à m’embarquer vraiment à bord de cette (pourtant séduisante) navette-poubelle.
Niveau dialogues, je suis assez partagé. Nous avons parfois droit à des échanges en registre de langue courant, parfois à des envolées poétiques sympathiques… et parfois des échanges trés basiques à base d’engueulades et d’insultes au raz des pâquerettes. Bien sûr, cela peut sembler similaire à la réalité. Mais dans un ouvrage, de tels changements de registres m’ont personnellement sorti du récit.
Le dessin
Enfonçons des portes ouvertes : le dessin est donc clairement de style manga. Et encore une fois, je ne suis pas du tout dans ma zone de confort. Toutefois, après avoir discuté avec des amateurs du genre, les dessins ne sont pas aussi marqués que dans d’autres BD nippones : pas de chibi, actions et mouvements plutôt réalistes, déformations des personnages et visage plutôt limitées…
Pour autant, on est sans ambiguïté dans un manga. Le dessin est classiquement en noir et blanc, bien que les premières cases de chaque phase soient en couleur (caractéristique de cette « perfect edition »). Le charadesign est assez typiquement « manga », style auquel j’ai quand même eu du mal à adhérer : gros yeux, visages stylisés, actions et émotions exagérées.
En revanche, les environnements spatiaux sont trés réussis. En intérieur, les technologies sont détaillées et réalistes, permettant une immersion du lecteur et une crédibilité accrue des lieux et des situations. Cela crée d’ailleurs parfois un étrange paradoxe avec le design des personnages. En extérieur, les panoramas stellaires sont de toute beauté (et notez que le noir & blanc n’y enlève rien). Certaines planches présentent des dessins complets en pleine page, souvent à couper le souffle.
L’ambiance
Ici encore, je dirais que le maitre-mot est « paradoxal ».
Le récit se veut trés réaliste dans son traitement des balbutiements de l’humanité dans sa conquète de l’espace. Et globalement, c’est plutôt trés réussi, notamment grâce aux dessins trés réalistes déjà évoqués, mais également grâce à un gros travail de recherche réalisé par l’auteur. Il s’appuie donc sur des phénomènes physiques reconnus, des problématiques bien réelles, et des technologies existantes ou proches de l’être.
Néanmoins, à mon sens, de grosses incursions d’irréel viennent casser cette atmosphère de hard SF :
- Tout d’abord, il s’agit d’un manga daté du tout début des années 2000 et qui fait de l’anticipation sur le siècle en cours. Par conséquent, certaines évolutions intervenues dans ces 20 dernières années (ces lignes sont rédigées en 2022) sont ignorées, rendant ce futur réaliste… finalement trés irréel. Exemple le plus évident : internet (ou un équivalent) n’existe pas dans ce futur, et les protagonistes achètent donc des journaux papiers dans les cités lunaires…
- Ensuite, certaines idées me semblent irréalistes dés leur conception au fil des chapitres. Je pense en particulier au frère d’Hachi, un adolescent capable de concevoir et fabriquer des fusées stratosphériques dans son garage (sans parler de l’aide de Yuri qui lui transmet des algorithmes de guidage pourtant secrets, dans le plus grand des calmes3).
Etrange, donc, que cette ambiance dégagée par une vision rétro-futuriste partiellement involontaire.
Conclusion
Pour finir, vous l’aurez compris, c’est un avis plus que mitigé que je porte sur cet ouvrage, qui peine à faire apprécier ses personnages malgré un univers riche et réaliste crédible.
Encore une fois, j’ai vraiment essayé de dissocier le récit et sa mise en dessin, du média « manga » en lui-même. Pour connaitre mon avis sur ce qu’à été ma première incursion dans l’univers de la BD japonaise, je vous renvoie vers un article à sortir d’ici peu.