Comme son nom le laisse vaguement présager, je vous propose de détailler dans cet article ce qu’est un univers étendu, ainsi que les concepts principaux qui lui sont liés. Et vous allez voir que ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air.
Qu’est-ce qu’un univers étendu ?
Ce que l’on appelle « univers étendu » est, comme son nom l’indique un univers qui s’étend autour d’une oeuvre de base. Cette œuvre de base peut prendre plusieurs formes mais il s’agit généralement d’un film ou d’une saga de films. Exemples : Star Wars, Thorgal, Troy…
Ainsi, l’œuvre de base constitue le socle d’un univers fictif (on parle aussi de « lore »), qui est lui-même enrichi grâce à l’univers étendu qui s’y développe.
Un univers étendu peut se développer dans de nombreux médias, il peut s’agir de films additionnels, de spin-offs, de séries, de romans, de jeux vidéos, de fan-fiction, de bandes dessinées, de fan-arts…
Il permet donc de prolonger l’immersion du lecteur/spectateur/consommateur dans un univers donné.
A mon sens, un univers étendu doit répondre à deux contraintes fortes :
- La première est que l’univers étendu ne doit pas être nécessaire à la compréhension de l’œuvre de base. Cela peut sembler évident. Mais c’est un problème que l’on peut retrouver par exemple dans les derniers films Star Wars, ou dans les derniers films Marvel qui nécessitent d’avoir lu des romans ou vu des séries pour être pleinement compris.
- La seconde est que l’univers de l’œuvre en question doit être cohérent dans son ensemble. Bien sûr l’univers étendu doit être cohérent avec l’ œuvre de base, mais les différentes œuvres qui composent l’univers étendu doivent également être cohérentes entre elles. De ce fait on ne peut pas vraiment parler d’univers étendu pour les canards de Disney dans l’école italienne par exemple.
D’après F. Valéry, on peut distinguer trois types d’univers étendus :
- Un univers kaléidoscopique est développé en partant dans différentes directions, et ne cherchant pas forcément une cohérence formelle, mais plutôt un respect de l’esprit de l’œuvre de base.
- Un univers fragmentaire se développe par briques plus ou moins grandes qui permettent d’enrichir l’œuvre de base tant dans l’espace que dans le temps. Il est souvent produit par différents auteurs, successivement ou parallèlement.
- Un univers globalisant est construit autour de l’œuvre de base par le ou les auteurs originaux, souvent avec une vision d’ensemble dès le départ.
Dans la suite de cet article, et globalement dans la bande dessinée, nous traitons d’un univers étendu de type fragmentaire. Notez que les œuvres qui composent un tel univers étendu sont donc très souvent signées de différents auteurs, ce qui rend cette cohérence assez complexe.
Notion de canonicité
C’est ainsi qu’intervient la notion de canonicité.
Historiquement, dans la religion chrétienne, le canon désigne l’ensemble des textes qui forment les Saintes Ecriture. Il s’agit donc du Livre Saint officiel. Par opposition, les autres textes sont considérés comme non-canon ou apocryphes.
Quand on parle de ce qui est canon au sein d’un univers, on évoque ce qui s’est officiellement déroulé dans l’univers de fiction en question. Il s’agit de l’ensemble des évènements, péripéties, personnages, lieux, et autres, qui sont considérés comme faisant réellement partie de l’univers en question. Dans la très grande majorité des cas, tout ce qui est dans l’œuvre de base est canon. Généralement, la plupart des œuvres d’un univers étendu sont également canons.
Hors du canon
Mais il peut arriver que certaines œuvres dans un univers étendu ne soient pas canons.
Soit parce qu’elles n’ont jamais prétendu l’être, cela peut-être le cas pour des fanfictions, ou certains jeux vidéo indépendants, ou parfois des comics qui n’avaient pas la prétention de s’intégrer dans une cohérence globale…
Il peut également s’agir de variations volontaires autour de l’œuvre de base, mais qui ne prétendent pas s’intégrer dans sa continuité. Cela arrive fréquemment dans les comics américains de super-héros, on appelle cela un elseworld. Par exemple, le comics Redson suit les péripéties d’un Superman qui aurait été élevé en pleine Union soviétique. C’est aussi le cas des comics autour de la franchise Stargate.
Il peut également arriver que certaines œuvres qui étaient canons au sein d’un univers étendu ne le soit plus. Ce sujet peut-être très vaste. Cela peut se produire, lorsque deux œuvres entrent en conflit et ne sont plus cohérentes entre elles. Dans ce cas, il est souvent décidé que l’une de ces œuvres n’est plus canon, afin de conserver la cohérence d’ensemble de l’univers officiel en ne sélectionnant dans le canon que ce qui est cohérent de manière à garantir la continuité au sein de l’univers étendu en question. C’est par exemple le cas dans la franchise des films Terminator, où le dernier film sorti actuellement invalide plusieurs films précédents.
Tout ce qui est hors canon, n’est pas vraiment arrivé dans l’univers en question. Et cela peut donc être ignoré, si vous souhaitez l’explorer en tant que lecteur/spectateur.
La continuité
Les notions de canon et continuité sont étroitement liées. En effet, la cohérence au sein d’un univers fictif est énormément liée à la cohérence de sa chronologie (même si on peut rechercher de la cohérence à d’autres niveaux). Ainsi, on appelle continuité la succession des événements canons principaux ou secondaires au sein d’un univers, qui forme l’ensemble de l’histoire avec un grand H ou un petit.
Cette continuité permet de garantir que l’ensemble des évènements qui se déroulent dans l’univers officiel en question ont des origines logiques et des enchaînements cohérents. La continuité d’un univers fait ainsi partie intégrante de son canon; à l’inverse, on considère généralement hors continuité l’ensemble des évènements qui ne sont pas canon.
Encore une fois, certaines œuvres peuvent être sorties de la continuité alors qu’elles étaient canons, alors que d’autres ont été conçues dès le départ comme étant en dehors de la continuité.
Les univers étendus multiples
Il existe toutefois des moyens de gérer plusieurs continuités au sein du canon d’un univers étendu. En particulier, cela se pratique dans les comics américains, avec des concepts tels que les univers parallèles et le multivers. Mais cela reste un cas assez particulier.
Il est également possible d’avoir plusieurs univers étendus autour d’une même œuvre de base, ces univers étant totalement disjoints et hétérogènes, et se développant séparément. C’est par exemple le cas des séries Dragon Ball Super et Dragon Ball GT, qui suivent la série Dragon Ball Z, tout en étant complètement antinomiques. Il en va de même pour les univers canon et Legend qui dérivent des premiers films Star Wars, avec des continuités totalement exclusives l’une de l’autre.
La rétro-continuité
La rétro-continuité, que l’on abrège parfois en retcon, est le fait d’assurer la continuité et donc la cohérence du canon quand une œuvre donnée reviens directement ou indirectement sur des évènements qui la précèdent chronologiquement. Ce procédé permet d’ajouter des détails, des subtilités, voire carrément de modifier certains évènements qui se sont passés dans une autre œuvre, tout en garantissant la continuité et donc la canonicité de l’ensemble des évènements traités, passés ou présent. Par exemple, le film « Retour vers le futur II » est un cas de rétro-continuité (très bien gérée) puisqu’il apporte des compléments cohérents à ce qui était montré dans le film précédent.
Cette pratique reste toutefois risquée pour la cohérence du canon, et génère souvent des inconsistances mineures voir majeures. Elle est également souvent (mal) vue par les lecteurs comme une sorte de « tricherie » et de non respect des autres œuvres de l’univers concerné.
J’espère ne pas vous avoir trop perdu dans ces concepts plus ou moins abstraits. Mais cela me paraissait important de regrouper ces notions ici, pour pouvoir les évoquer dans les autres articles du blog sans les réexpliquer en détail.