Synopsis
Dans un monde dont la moitié est perpétuellement inondée de lumière tandis que l’autre demeure plongée dans l’obscurité, nous découvrons la société complexe du territoire du Lossand, étendue de sable désertique, mais pourtant non dénuée de vie…
Kenton est un jeune apprenti téméraire du Diem des Maîtres du Sable, une caste de magiciens capables de manipuler les grains de sable à des fins diverses : combat, déplacement ou encore production d’eau. Mais ses capacités limitées rendent son avenir incertain. Tout bascule pourtant lorsque son campement est brutalement attaqué par les féroces Kertziens, sans raison apparente.
Parallèlement, la sympathique duchesse Khrissalla dirige une petite expédition scientifique venue du continent obscur. Ses motivations restent floues, mais elle cherche à en apprendre davantage sur ces mystérieux magiciens.
A propos de Sanderson…

Ce qui aurait pu être
…Malheureusement, cette transposition souffre des (trop nombreux) écueils classiques d’un tel exercice. D’un côté, l’excès d’exposition alourdit considérablement la narration, étouffant parfois souvent le dynamisme du récit. De l’autre, des raccourcis scénaristiques et des ellipses mal maitrisées nuisent à la fluidité de l’intrigue, rendant certains événements abrupts, confus, voire presque absurdes.
Si l’univers de Sanderson brille par sa richesse et son originalité, cette fausse adaptation a de nombreuses difficultés à en restituer toute la subtilité. Le lore est dense et cohérent, notamment à travers les différentes factions culturelles : les nomades des Maitres des Sables (ou « Mastrells ») aux tenues claires, les Kertziens tatoués et dénudés, les opulents marchands aux tenues colorées ou encore les obscurs Dynastiques aux atours victoriens et parés d’éléments technologiques. Malheureusement, cet univers fascinant ne parvient pas à se fondre naturellement dans le récit (ou inversement).
C’est une impression schizophrénique (et une grosse déception pour ma part) ; la matière du lore est clairement là, mais l’histoire se suit sans grand intérêt, et les personnages demeurent des coquilles vides…
Des personnages en manque de relief
L’histoire repose en grande partie sur Kenton, jeune homme en quête de reconnaissance paternelle, et Khrissalla, exploratrice aux intentions énigmatiques. S’y ajoutent de très nombreux personnages plus ou moins secondaires (le professeur Cynder, le mastrell rénégat Drile, l’anthropologue Jon Acron, ou encore la protectrice Aïs)… sans doute trop nombreux et toujours aussi mal amenés et développés pour que l’on s’y retrouve.
Et nos deux personnages principaux souffrent d’un net manque de charisme, rendant leur implication émotionnelle limitée. Les enjeux existent, mais les dialogues et la mise en scène ne leur confèrent que beaucoup trop rarement l’intensité nécessaire. Par exemple, la tragédie vécue par Kenton ne semble vraiment pas l’avoir marqué plus que cela tout comme son besoin de reconnaissance paternel est bien présenté… sans qu’il ne soit ressenti.
Un dessin qui peine à transcender le récit
L’aspect graphique de White Sand est contrasté. D’un côté, les panoramas désertiques (et pas que) restituent efficacement l’immensité et l’hostilité du monde mis en scène. D’un autre, les Mastrells, pourtant figures majeures de cet univers (au moins sur les deux premiers tiers de l’album), se ressemblent trop1, rendant leur identification laborieuse.
Là où la direction artistique excelle, c’est dans la différenciation des cultures. Chaque groupe social bénéficie d’un charadesign travaillé, du raffinement victorien des Dynastiques aux attributs plus bestiaux des Kertziens. L’usage d’ellipses d’intercase inclinées apporte un dynamisme certain, et plusieurs doubles pages marquent par leur efficacité visuelle (exemple : celle montrant la bataille boucherie subie par les mastrells). Pourtant, l’ajout de flèches pour guider la lecture trahit parfois des compositions de planches mal équilibrées, obligeant le lecteur à un effort d’adaptation (et le dessinateur à un effort de guidage artificiel).


Frustrant !
Malgré ses défauts, White Sand bénéficie d’un édito intéressant de Brandon Sanderson, qui éclaire sur la genèse du projet et les défis de son adaptation. De plus, un carnet de croquis en fin d’album permet d’apprécier le travail de design et de développement visuel (qui est bien présent et se ressent, malgré tout).
En conclusion, nous avons là un album qui oscille entre belles ambitions et graves maladresses. Si son univers et son esthétique ont de quoi séduire, la lourdeur de l’exposition et le manque de fluidité narrative freinent l’immersion (s’ils ne l’empêchent pas complètement). Cette fausse adaptation2, bien que prometteuse, ne parvient pas à exploiter pleinement la richesse du matériau d’origine. Tellement dommage…
Les deux tomes suivants redresseront-ils la barre ? Rien n’est moins sûr…
- Mêmes bures claires, mêmes atours, mêmes morphologies, le crane souvent rasé…[↑]
- Pour un exemple d’adaptation réussi, à partir d’un roman édité, voyez La Nuit des Temps.[↑]